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Saint-Médard-en-Jalles : le recrutement, new style (Stephen Apoux)

Quand il accède à la délégation pour l’économie et l’emploi de la ville de Saint-Médard-en-Jalles, près de Bordeaux, en 2020, Stephen Apoux a déjà derrière lui un long passé d’entrepreneur. Bien au fait des problématiques des entreprises en matière de recrutement, il décide d’aider ces dernières à mieux collaborer avec les services publics dédiés à l’emploi. Car la situation est urgente. En effet, les besoins dans le secteur de l’aide à la personne, notamment, ne peuvent plus attendre. Aujourd’hui, il revient pour nous sur cette aventure extraordinaire…

Avec un parcours atypique de chef d’entreprise depuis plus de vingt ans, Stephen Apoux se sent particulièrement concerné par la question de l’emploi. Il a lui-même connu la précarité et le chômage. Mais il a pu rebondir en devenant cadre dirigeant d’une PME de plus de 60 salariés. Et il est aujourd’hui à la tête de sa propre entreprise de communication et de marketing. Fort de son expérience et de ses appétences, il obtient la délégation à l’emploi et à l’économie au sein du conseil municipal de Saint-Médard-en-Jalles, près de Bordeaux.

Saint-Médard-en-Jalles : ville engagée pour l’emploi

Homme pratique et de terrain, il constate la myriade de dispositifs publics centrés sur la question de l’emploi. Parmi eux, il cite Pôle Emploi, les missions locales, etc. Or, ces services publics se retrouvent parfois dédaignés par les chefs d’entreprises. Ces derniers préfèrent avoir recours à leur propre réseau professionnel ainsi qu’aux applications privées pour recruter. Problèmes : ces applis ne permettent guère d’installer une véritable relation humaine. Par ailleurs, elles empêchent les chefs d’entreprise d’accéder aux aides d’État auxquelles ils pourraient prétendre. La solution, selon Stephen : faire se rencontrer les entreprises, les dispositifs de l’État et la mairie autour des questions d’emploi. Même si, généralement, ce domaine ne relève pas de la compétence des municipalités.

Stephen, la délégation emploi et ses partenaires cherchent à mettre à profit les relations de proximité préexistant entre la commune de 33.000 habitants et son vaste tissu de 1.500 entreprises. Cela va depuis le Groupe Ariane jusqu’à la multitude d’ETI et de PME industrielles implantées sur place. La mairie entretient en effet un rapport privilégié avec ses entreprises. Ces dernières, quand elles ont besoin de s’agrandir, de se développer, d’acheter de nouveaux locaux, contactent déjà naturellement la mairie. « Il était donc dommage de laisser de côté la question de l’emploi. Car nous bénéficions d’une position privilégiée pour faire se rencontrer les entreprises et les services publics ».

Bien entendu, la mairie ne traite pas les dossiers des demandeurs d’emploi, cette tâche revenant à Pôle Emploi. « Cependant, explique Stephen, nous mettons en place des dispositifs pour l’emploi dans les secteurs où le système ne fonctionne pas correctement ».

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(c) Dean-Mitchell – iStock.

Difficultés de recrutement dans le secteur de l’aide à la personne

En 2020 déjà, les Ehpad et autres centres d’aide à la personne connaissent une situation tendue concernant leur recrutement. « Ni les jeunes, ni les personnes en reconversion ne veulent exercer ce type de métiers, réputés difficiles ».

Pôle Emploi ayant des difficultés pour recruter, Stephen a l’idée de faire appel à un cabinet privé, Formidaable. Ce dernier se spécialise dans le recrutement et la formation de profils opérationnels. « Nous sommes donc allés chercher des personnes en reconversion professionnelle après le Covid. Nombre d’entre elles avaient excellé dans leurs métiers précédents (logistique, secrétariat, autoentrepreneuriat, etc.). Nous leur avons proposé de se consacrer à ce beau métier consistant à aider les personnes âgées à vivre dans la dignité ».

Notre interlocuteur et son équipe commencent par consulter les CVthèques des habitants de Saint-Médard et des communes avoisinantes. « Nous avons par la suite appelé 300 personnes, avant d’en short-lister 70 en raison de leurs compétences adaptées. Nous avons organisé des réunions publiques d’information. Finalement, nous avons réalisé 25 recrutements effectifs sur une période de six mois. Bien que ce chiffre paraisse modeste, il s’agit d’un record, inégalé parmi les autres communes de la métropole bordelaise ! »

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L’humain au cœur d’une démarche de marketing social

La mairie n’a donc pas hésité à se rapprocher de personnes éloignées de l’emploi, ou bien en pleine reconversion. Tout en déployant des efforts de formation et d’explication inédits ! Reprenant les principes du marketing social, il a fallu expliquer la réalité, les avantages et le sens recouverts par les métiers de l’aide à la personne. Ces efforts ont rapidement payé. Ainsi, la mairie a pu réaliser en six mois plus de recrutements que pendant les quatre ou cinq années précédentes. « Ceci, tout en respectant les grilles de salaires définies par les Ehpad, nous empêchant de jouer sur les rémunérations ».

Stephen, la délégation emploi et ses partenaires ont alors dû insister sur le point fort représenté par ce type de métiers, à savoir leur côté humain. Ils ont également mis en place un parcours adapté de formation. « Avant, les personnes étaient mises en binôme avec un salarié. Puis elles étaient directement jetées à l’eau sans qu’on n’ait pris le soin de leur apprendre à nager ». Au contraire, Stephen a tenu à faire venir des formateurs qui, pendant trois jours complets, ont montré les gestes précis attachés aux métiers de l’aide à la personne. « Aucun détail n’a été négligé, jusqu’à la façon de tenir l’éponge, de bien servir les personnes âgées, de ranger leur domicile, en y faisant un peu de ménage, tout en préparant les repas, etc. ».

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(c) miniseries – iStock.

En outre, il a fallu prendre en compte le fait que les recrues potentielles avaient besoin de visibilité. « Nous sommes partis du principe qu’un demandeur d’emploi n’était pas nécessairement disposé à accepter n’importe quelles conditions de travail. Un salarié a ainsi besoin de pouvoir se projeter dans sa profession, à six mois ou à trois ans. Grâce à notre politique RH innovante, nous avons rencontré le succès ».

Les enseignements du recrutement mené à Saint-Médard-en-Jalles

Par suite de l’expérience menée à Saint-Médard-en-Jalles, Stephen croit plus que jamais que les communes doivent faire preuve de volontarisme en matière d’emploi. « Nous avons ainsi créé le Conseil de l’emploi, au sein duquel nous réunissons, une fois par mois, les entreprises, l’ensemble des associations liées à l’emploi, les sociétés d’intérim, Pôle Emploi ou encore les missions locales. Nous mettons en place un mercato de l’emploi permettant de placer les meilleurs profils dans les endroits les plus adaptés ».

Cette démarche proactive est d’autant plus nécessaire que les jeunes arrivant sur le marché de l’emploi veulent une autre vie. Ils ne veulent plus passer plusieurs décennies à travailler pour, finalement, voir la perspective de leur retraite s’éloigner un peu plus. De la même façon, ils ne veulent plus être mal payés, et encore moins souffrir en raison de difficultés de santé liées à leur travail. De fait, les générations ayant terminé leurs études pendant le Covid manifestent une volonté de changement. Elles veulent pouvoir choisir le meilleur employeur.

Par conséquent, les entreprises doivent désormais axer leur stratégie de recrutement sur leur politique RSE (Responsabilité sociétale et environnementale). Autrement dit, la mesure de leur performance ne se réduit plus simplement à leur chiffre d’affaires ni à leur rentabilité. Elles doivent désormais intégrer des critères de performance sociale : choix des horaires, des congés, management participatif, primes, etc.

Stephen Apoux, adjoint au Maire de la ville de Saint-Médard-en-Jalles en charge de l’économie et de l’emploi, rappelle que le marché de l’emploi a bien changé et que le rapport de force n’est désormais plus favorable aux employeurs, mais aux candidats à l’embauche ! Photo : (c) Stephen Apoux. Vidéo : (c) LaTDI.

Une expérience réplicable dans d’autres secteurs

Stephen travaille à présent avec le Leclerc de Saint-Médard-en-Jalles. Ce distributeur ne parvient pas à recruter de vendeurs, logisticiens ou caissières. Cela représente une trentaine de postes. Un tel phénomène ne s’explique pas uniquement par l’insuffisance des salaires proposés. En effet, certains de ces emplois bénéficient d’une rémunération correcte, compte tenu des critères de marché. Simplement, ces métiers ne font plus recette, car ils sont considérés comme durs, compliqués et peu attractifs. En outre, Stephen mène des missions de même type avec certaines entreprises industrielles. « Nous sommes ainsi en train de réaliser un recrutement de 10 personnes pour un industriel à la recherche d’opérateurs ».

À présent que les manques sont identifiés, la mairie de Saint-Médard-en-Jalles est disposée à travailler avec l’ensemble des entreprises partageant les mêmes problématiques de recrutement. « Nous allons chercher les candidats, nous les motivons, nous les accueillons et les suivons au mieux, en mettant en place des tutorats. Et cela fonctionne ! »

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