Comment créer un lien d’empathie quasi-thérapeutique entre plusieurs personnes, en rappelant chacun à sa propre humanité ? Tout d’abord, faire disparaître écrans et téléphones ! Ensuite, rassembler tout le monde autour d’un jeu de société, meilleur des prétextes pour rire, plaisanter et parfois se livrer… Célina Buttin-Hecquard, fondatrice de La Tribu Kafékouche, lance ainsi une série de jeux autour de la parentalité. Son but ? Apporter le relais émotionnel dont les jeunes parents ont besoin pour traverser cette période délicate de leur vie : l’arrivée d’un nouveau membre au sein de la famille !
Célina Buttin-Hecquard fonde la Tribu Kafékouche en 2023. Dès le départ, elle souhaite créer une startup à impact ayant vocation à lever le tabou de la dépression Post-partum. Cette dernière touche une femme sur trois et un homme sur cinq dans l’année suivant une naissance.
La Tribu Kafékouche : startup à impact
En effet, la dépression Post-partum n’est pas nécessairement une complication liée à l’accouchement. Les causes en sont plutôt psychologiques, comme pour toutes les dépressions. Elle se déclenche par suite d’un isolement ressenti. Par exemple, on a un enfant et on se rend compte que l’on ne voit plus personne. On pensait avoir du relais, mais celui-ci tarde à se matérialiser. Au travail, on a la sensation d’être mis(e) au placard. La Tribu Kafékouche utilise le moyen des jeux de société sur la parentalité pour faire pièce au syndrome du Post-partum.
La Tribu Kafékouche se définit comme une ‘startup à impact’. À mi-chemin entre l’association et l’entreprise à but uniquement lucratif, elle se doit d’être rentable pour assurer sa pérennité. Tout en faisant du bien.
Au départ, des événements dans la vie de la fondatrice Célina Buttin-Hecquard
Célina est elle-même devenue maman pour la première fois à la suite d’un parcours de PMA. « Cela a représenté une arrivée un peu douloureuse dans le monde de la parentalité. Au final, ma grossesse s’est bien déroulée, de même que mon accouchement ». Pourtant, dans les mois qui suivent, Célina fait une grosse dépression, de même que son mari. Incapable de se faire du bien l’un l’autre, le couple demeure figé dans une incompréhension mutuelle.
Après la naissance de son troisième enfant, Célina ressent l’envie de se réengager en faveur d’une cause chère à son cœur : la lutte contre la dépression Post-partum. Ce faisant, elle prend bien soin d’englober les deux membres du couple de parents. « Qu’importe la composition du foyer (deux femmes, deux hommes, un homme et une femme et leurs enfants) : les mêmes problèmes se retrouvent partout ».
La Tribu Kafékouche soutient les jeunes parents
Le nom de ‘Tribu Kafékouche’ émerge alors que Célina est à la recherche d’une expression parlant à l’ensemble de la communauté des jeunes parents. « Ces derniers ont besoin de boire du café. Même si nous acceptons les personnes accros au thé (rires) ! Par contre, le chocolat chaud n’est pas suffisant ! Car les jeunes parents souffrent d’un gros manque de sommeil ! Ils passent aussi une bonne partie de leur temps à changer les couches de leur petit. Cela les relie de manière universelle ».
Il est vrai qu’aujourd’hui, de nombreuses divergences éducatives s’expriment au sein de la communauté de la parentalité. « Mais nous sommes tous les mêmes quand nous devons nous lever la nuit pour notre enfant. J’ai donc essayé de trouver un nom représentatif de cette sororité / fraternité entre jeunes parents ! »
Céline a mis beaucoup d’elle-même dans ses jeux. Comme pour beaucoup d’entrepreneurs, le point de départ de son entreprise réside dans son expérience personnelle. Par la suite, avec son équipe, elle s’est mise en quête du meilleur moyen d’aborder le sujet. « Nous avons mis de côté les solutions technologiques (plateformes, applications, etc.) qui, de mon point de vue, isolent les individus plutôt qu’elles ne les relient les uns aux autres ».
La Tribu Kafékouche restaure la convivialité
Célina s’oriente d’abord plutôt vers des boxes sur le thème de la grossesse ou du Post-partum. Puis, en discutant avec des amies, elle se rend compte de la variété des situations. La première lui explique que son conjoint n’est pas du tout impliqué dans sa grossesse. La seconde lui confie que son conjoint est au contraire formidable ! En cherchant la cause de ces divergences, Célina découvre l’existence d’un jeu de cartes permettant aux personnes de se poser mutuellement des questions leur permettant d’avancer sur certains sujets délicats. « C’est comme cela que l’idée des jeux est arrivée ». En creusant un peu, Céline se rend compte qu’il n’existe aucun jeu de société sur le Post-partum. Bingo !
À titre personnel, Céline avoue être une personne très conviviale, aimant passer du temps avec son entourage et ses amis. « Par ailleurs, j’avoue que je suis très mauvaise perdante… mais chut ! Il ne faut pas trop le dire (rires) ! Pour moi, toute occasion de se retrouver pour passer un long moment ensemble, dans la même pièce et à la même table, est bonne à prendre ».
Le jeu de société n’est qu’un moyen selon elle de provoquer des occasions de passer du temps ensemble, allant au-delà d’un simple coup de fil. « C’est-à-dire qu’il y a une première étape au cours de laquelle on rattrape le temps durant lequel on s’est perdu de vue. Passés les premiers silences, les discussions recommencent en prenant un tour plus profond ».
Yakafokon : un jeu de cartes pour décomplexer les jeunes parents
Parmi les jeux proposés par la Tribu Kafékouche, Célina cite le Yakafokon. Il s’agit du premier jeu pour s’entraîner à répondre aux commentaires ‘relouds’ des gens. On peut se l’offrir entre particuliers en l’intégrant à sa liste de naissance ! Il comporte 385 cartes reprenant les petites phrases bien senties que l’on entend parfois. Et permet de s’entraîner à y répondre du tac au tac.
Selon Célina, ces remarques peuvent miner la confiance en soi. Par exemple, une femme allaitante se fera interpeler de la façon suivante : « Tu es sûre que ton lait est assez nourrissant ? ». Pour Célina, il n’existe pas de remarque plus culpabilisante. En effet, dans 99,99% des cas, le lait maternel sera bien entendu suffisamment nourrissant. Il n’empêche que cela plante la graine du doute.
Grâce à Yakafokon, la mère allaitante pourra réaliser que le problème n’est pas tant lié à la qualité de son lait, mais à l’opinion généralement admise sur l’allaitement. Du coup, cela lui permettra de s’en détacher. Et de constater que cette remarque insidieuse suscite un concours de punch lines parmi les joueurs. Souvent même, ce sont les personnes sans enfant qui sortent les meilleures répliques…
‘Kafé, Boulot, Kouche’ : favoriser le retour des jeunes parents en entreprise
‘Kafé, Boulot, Kouche’ est un autre jeu emblématique de la Tribu Kafékouche. Son nom est dérivé de l’expression ‘Métro, Bolot, Dodo’. Il s’agit d’un jeu de plateau pour les équipes en entreprise. L’objectif est de réintégrer le plus convivialement possible les collaborateurs après un congé maternité ou paternité. En effet, 80% des salariés sont parents ou destinés à le devenir. Et le retour au travail est un moment clé dans la vie professionnelle de tout salarié. De cela, les équipes RH et les managers ont bien conscience et font tout leur possible pour faciliter la réintégration du salarié néo-parent.
Kafé, Boulot, Kouche se présente sous la forme d’un jeu de plateau. Des équipes de deux joueurs font cheminer leur pion jusqu’à atteindre le trophée du « meilleur collègue Kafékouche ». Les différentes étapes sont assorties de questions de culture générale. « Quel est le nombre d’heures de sommeil perdues au cours de la première année suivant une naissance ? »
Certaines questions permettent même d’aborder le droit du travail : « Faut-il être reconnu comme second parent de l’enfant pour bénéficier d’un congé paternité ? » Ou encore : « Tout le monde a-t-il droit au congé parental ? » En outre, certaines cartes comportent des photos d’objets dont il faut deviner l’usage… Enfin, le dernier type de cartes invite à proposer une action positive à l’attention d’un collègue reprenant le travail. Cela peut conduire à des situations parfois très touchantes où l’on assiste à une surenchère d’empathie.
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Takajoué, un jeu de cartes dédié à l’univers visuel des jeunes parents
Troisième jeu proposé par la Tribu Kafékouche, le Takajoué est un jeu de cartes classique de type roi, reine, cœur, pique, carreau, etc. « Sauf que nous avons remplacé les cœurs par des doudous, les piques par des couches, les carreaux par des bodies, etc. »
À l’heure actuelle, la Tribu Kafékouche prépare un nouveau jeu à l’attention des joueurs au départ « en couple ». Maintenant, ils forment avec leur conjoint un « couple de parents ». Le jeu cherche à restaurer la complicité entre les jeunes parents, y compris sur le plan sexuel. C’est la raison pour laquelle Célina a travaillé avec la sexologue Margaux Terrou. Ce jeu est donc destiné à stimuler la libido au sein d’un couple de jeunes parents. Pour réconcilier désir et parentalité, alors qu’on a généralement tendance à les opposer.
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Avec sa startup à impact La Tribu Kafékouche, Célina Buttin-Hecquard inaugure une série de jeux de société aidant à combattre la dépression Post-partum, entre autres difficultés affrontées par les jeunes parents… Photo : (c) La Tribu Kafékouche. Vidéo : (c) LaTDI. Music : (c) ES_Oh Dandelion (Instrumental Version) – Gamma Skies.
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