Marqué par un trouble autistique, Jérôme ANDRÉ apprend dès son plus jeune âge à décrypter les « codes » lui permettant de comprendre les humains. Aujourd’hui Directeur de HF Prévention, il met son savoir-faire au service de la santé de ses concitoyens. Retour sur ses actions les plus impactantes.
Habitant une banlieue des Yvelines, Jérôme ANDRÉ s’investit très tôt en politique, notamment dans l’agglomération de Saint-Quentin-en-Yvelines. Il devient dès l’âge de 16 ans vice-président d’un centre socio-culturel. Devenu majeur, il décide de faire son coming-out, ce qui lui vaut moqueries et renvoi. « Très rapidement, j’ai été moqué parce qu’on disait que je faisais l’inauguration des vestiaires ! »
HF Prévention : une association aux missions citoyennes
Cette mésaventure le pousse à fonder une association sportive destinée aux homosexuels. De fil en aiguille, elle se transforme en club national LGBTH (Lesbien, Gay, Bisexuel, Transsexuel et Hétérosexuel) et prend le nom d’HomoFesty, très vite abrégée sous les initiales HF. Il milite en travaillant dans le milieu de la communication avec des sociétés de production. Son but ? Accroître la visibilité de la communauté gay dans les médias. C’est ainsi que, à partir de 2001 et Loft Story, les plateaux télévisés s’ouvrent enfin aux homosexuels, de façon bienveillante cette fois.
Jérôme ANDRÉ et son époux Cyril DESCHAMPS cherchent ensuite à diversifier les champs de compétences de leur association. « Nous nous sommes aperçus qu’il y avait besoin de séjours ludiques, repos, relaxation, bien-être, etc. Donc nous avons créé HF Séjours, HF Bien-Être et HF Prévention. Les pouvoirs publics connaissant et appréciant notre travail, ils nous ont demandé de performer sur les lieux de rencontre extérieurs dans le cadre d’une démarche « outreach ». C’est ainsi que nous nous sommes intéressés aux parkings, aires d’autoroutes, forêts, où des hommes ont des relations sexuelles avec d’autres hommes ».
Dépistages : inclusion et opportunité, secrets de la réussite
Sur ces lieux de rencontre, HF Prévention dialogue avec les usagers pour les inciter à changer leurs comportements risqués, et aussi pour se faire dépister (VIH, hépatites). Jérôme ANDRÉ nous précise que l’association a toujours inclus les hétérosexuels. En effet, certains hommes hétérosexuels fréquentent ces lieux de rencontres. « Ce sont des « HSH non identitaires » : Hommes ayant des relations Sexuelles avec d’autres Hommes, sans pour autant se définir eux-mêmes comme homosexuels ni bisexuels ».
Proposer ce type de services dans des circonstances aussi inattendues permet de dépister à grande échelle. « Nous faisons du dépistage d’opportunité. C’est-à-dire que nous intervenons à un moment clé durant lequel la personne n’aurait jamais imaginé être dépistée. Elle le fait parce que nous le lui proposons. Et aussi parce que les tests sont rapides et fiables ». HF Prévention a fini par se spécialiser dans ce type de dépistages et elle en réalise 14.000 par an. Ce qui en fait l’antenne la plus importante de France !
Augmenter le taux d’adhésion grâce aux neurosciences
Très vite, Jerôme ANDRÉ s’intéresse aux neurosciences pour comprendre l’environnement dans lequel il évolue. Tout ce que l’humain met en place, nécessite un « taux d’adhésion au programme ». Pour rendre la prévention plus efficace en termes d’usage du préservatif, il faut susciter l’adhésion du public que l’on vise !
L’étude comportementale a donné naissance à des « Game Changers ». Ces derniers se définissent comme des moments permettant d’implémenter un changement comportemental. Aux États-Unis, des chercheurs en neurosciences ont développé ce type de techniques. Ils ont étudié la possibilité pour des enfants malades de pouvoir être « Game Changés » afin de les amener à accepter les traitements par chimiothérapie.
Dans les premières phases de la maladie, le patient ne se sent pas malade. Il en vient donc à attribuer son affaiblissement à la chimiothérapie. Le traitement est donc perçu par les enfants comme la cause de la maladie. Pour les « Game Changer », les chercheurs leur projettent un film. Dans ce dernier, des super héros leur montrent que leur corps est attaqué de l’intérieur. Mais grâce à des lasers, les enfants ont suffisamment de force pour se battre. Et, à la place de la poche classique de chimiothérapie, chacun reçoit une coque de super-héros lui transmettant des super pouvoirs. Il s’agit de mettre en place un changement de perception pour améliorer le taux d’adhésion. En persuadant les jeunes malades qu’ils suivent le traitement pour leur bien propre.
Virus war 1 : développement des Game Changers par HF Prévention
Tout comme le cancer, que l’on ne ressent que lorsqu’il est dans ses phases avancées, le virus du SIDA met des années avant de se manifester. Jérôme ANDRÉ et son mari ont donc décidé de développer Virus War 1. « Nous projetons un film dans lequel la personne est miniaturisée et injectée dans le corps d’une personne nouvellement séropositive à l’aide d’un sous-marin. Puis, muni de lasers, le participant doit exterminer le VIH ». Cette projection est poursuivie par un laser game. Le participant doit alors tuer l’animateur-virus à l’aide de son laser-médicament !
Un fois le jeu terminé, le participant visionne de nouveau un film qui le félicite. Un message de prévention lui est ainsi transmis : il sera désormais persuadé de la nécessité de combattre le virus au quotidien grâce à l’usage de préservatifs et en se faisant dépister régulièrement. La programmation neuro-linguistique (PNL) repose ainsi sur la création d’une émotion, positive ou négative, permettant au message d’être compris et intériorisé sur la durée. Dans les faits, Jérôme ANDRÉ constate une nette amélioration du taux d’adhésion. « Nous avons fait une étude sur six ans. Elle révèle que ce Game Changer a modifié sur le long terme le comportement des participants en matière de prévention des IST ».

HF Prévention réalise des missions pour des organismes publics
Le succès de ce premier game changer a permis d’en créer de nouveaux : Virus War 2, Contraception, Rituel Santé, etc. HF Prévention a d’ailleurs reçu des prix de l’OMS et de l’UNESCO pour son travail. Le Ministère de l’Intérieur a donc souhaité tester ces jeux sur ses propres personnels, notamment ceux qui interviennent en matière de prévention routière. Si un policier ou un gendarme dépasse la vitesse autorisée dans le cadre d’une poursuite, comment s’assurer qu’il n’agira pas de même dans sa conduite privée ?
Jérôme ANDRÉ s’est donc spécialisé dans le montage de stratégies favorisant la performance, dans les services publics notamment. Le Ministère de la Santé lui a ainsi demandé de travailler avec les pharmacies. Afin que les patients se sentent en confiance pour aborder des sujets touchant leur santé sexuelle, HF Prévention a mis en place des techniques d’interaction. Jérôme ANDRÉ rappelle ainsi l’importance pour le pharmacien de « baisser la voix tout en approchant son visage du patient pour créer une bulle d’intimité, alors qu’il se trouve au guichet d’une pharmacie ».
Savoir comment annoncer leur séropositivité aux personnes
Ces techniques de communication fonctionnent de pair avec la PNL. En effet, lors des campagnes de dépistage, les intervenants doivent faire preuve de compassion tout en permettant au patient de garder sa dignité. « Nous nous sommes rendu compte que le simple fait de tourner délicatement la tête à gauche et d’avoir les paupières qui descendent doucement permettait d’apaiser le patient ». Dans ce cadre, l’attitude et le comportement des dépisteurs sont primordiaux. Parmi les 14.000 dépistages annuels, 1,63 % se révèlent séropositifs. Dans un centre classique, la proportion tombe à 0,2 % !
HF Prévention a donc élaboré des techniques pour permettre aux patients de ressortir de l’unité de dépistage avec un visage serein. Grâce à la PNL, les patients apprennent à devenir acteurs de leur prise en charge. « Certes, les personnes apprennent leur séropositivité. Mais en même temps, nous tenons à ce qu’ils se sentent pleinement investis dans la prise en charge de leur pathologie. Ils prennent les devants pour se soigner. C’est ce que l’on appelle le taux d’adhésion conduisant à l’empowerment ».
Problématiques spécifiques des multi-pathologies
Jérôme ANDRÉ nous confie également que, dans le cadre de l’amélioration des stratégies de prévention, il est nécessaire de travailler de manière croisée lorsque le patient souffre de plusieurs pathologies à la fois. Cela peut aller du diabète aux problèmes cardiovasculaires. Il précise qu’il est important de travailler sur l’humain. Les spécialistes traitent leurs patients pour une pathologie particulière. Mais la multiplication des traitements peut pousser le patient à laisser de côté certains traitements, car les effets secondaires le gênent.
« Quand un patient a cinq pathologies, chaque médecin prend en compte la pathologie qui le concerne, en donnant un traitement. Il ne prend pas forcément en compte les interactions entre les médicaments. Il s’informe sur les multi-pathologies pour rédiger son ordonnance mais il ne prend pas en compte l’environnement ». Ainsi, un patient vivant à la rue aura-t-il la possibilité de consommer deux à trois repas par jour pour prendre ses médicaments ?
À lire également : Vibes : l’appli de rencontres LGBT anti-Grindr (Théotime COLIN).
HF Prévention réalise la convergence entre santé mentale, sexuelle, maladie et addiction
Les traitements croisés posent également des soucis de santé mentale et d’estime de soi. En effet, certains médicaments provoquent des troubles de l’érection ce qui rend difficile le port du préservatif, par exemple. Même en ayant conscience qu’une maladie est mortelle, un patient devient susceptible de ne pas suivre son traitement, ce dernier pouvant le conduire à la dépression.
L’estime de soi pose aussi des problèmes en matière de prévention des MST car certaines personnes, éprouvant des difficultés à trouver des partenaires sexuels, sont prêtes à tout. « Par exemple, une personne en surpoids obtenant un rendez-vous sur Grindr se retrouvera devant son partenaire sexuel sans préservatif. Elle n’hésitera pas à avoir un rapport non protégé parce qu’elle aura une mauvaise estime d’elle ». L’enjeu pour HF Prévention consiste donc à veiller sur la santé mentale aussi.
Plus d’informations en cliquant ici.
Jérôme ANDRÉ témoigne de son expérience dans le domaine de la santé et du bien-être. Un engagement au quotidien qui nécessite des capacités d’analyse pour répondre aux problématiques auxquelles HF Prévention est confrontée. Photo & Vidéo : (c) LaTDI.
