Cabaret Musical Berlin

« Cabaret » : voir le célèbre musical à Berlin dans la ville qui l’a vu naître (Thimo POMMERENING)

En plus de 20 ans de représentations, la comédie musicale Cabaret a déjà accueilli plus de 300 000 spectateurs à Berlin. Reprise dans sa ville d’origine, elle s’est jouée cet été au Tipi Am Kanzleramt, immense chapiteau installé face à la Chancellerie (reprise des représentations à l’été prochain) ! Thimo POMMERENING, producteur et metteur en scène du spectacle, nous partage son expérience et sa vision de l’un des plus célèbres musicals au monde !

En 2004, parallèlement à sa carrière de musicien, d’enseignant, de compositeur et de producteur musical, Thimo POMMERENING travaille avec Vincent PATTERSON (entre autre chorégraphe de Michael JACKSON et de MADONNA) sur la première saison de Cabaret au Bar Jeder Vernunft. Depuis 2014, il met en scène la production. « J’ai le soutien d’une équipe passionnée qui, au fil des ans, a apporté son talent et son énergie au spectacle ».

Cabaret, entre scène et grand écran

Avant de devenir le célèbre film de Bob FOSSE, interprété par Liza MINELLI, Cabaret est un roman de Christopher ISHERWOOD (Good-Bye to Berlin), lui-même adapté en pièce de théâtre sous le titre I Am a Camera. Ce titre semble la prédestiner à une adaptation pour le cinéma. Témoignage de la montée du nazisme en Allemagne, Cabaret met en scène la vie nocturne de la capitale au début des années 1930. Sa première représentation a lieu à Broadway en 1966. Joel GREY, irremplaçable maître de cérémonie y interprète déjà le rôle qu’il incarne en 1972 dans le film aux huit oscars de Bob FOSSE.

Le film reprend l’histoire de la chanteuse américaine du Kit Kat Club, Sally BOWLES, et du jeune écrivain britannique, Brian ROBERTS. « La plus grande différence entre la version scénique et le film réside dans l’absence de romance entre Fräulein SCHNEIDER et le marchand de fruits juif Herr SCHULTZ, qui loue également une chambre dans sa pension », souligne Thimo POMMERENING. Le plan d’ouverture du film résume à lui seul le contexte de la comédie musicale. Dans un instrument en cuivre se reflètent les croix gammées d’officiers nazis. La musique instigatrice des plaisirs, nous met en garde contre le danger qui rôde.

International et indémodable

Après le succès de la comédie musicale de Broadway, de nouvelles créations voient le jour un peu partout dans le monde. Dans la version anglaise, Sally est interprétée par Judi DENCH. Une vingtaine d’années plus tard, Ute LEMPER reprend le rôle dans la version française. Dans les années 2000 la pièce s’exporte à Madrid, Amsterdam, Paris et Montpellier.

La version allemande voit le jour en 2004. Thimo POMMERENING qui a présidé à sa création, se réjouit de toujours y travailler. « Pour moi, Cabaret représente une chance inespérée de perfectionner mon métier de metteur en scène. Il n’est pas si courant d’explorer dans la durée une œuvre d’un tel calibre, née il y a quasiment 60 ans ! De voir comment elle a évolué avec le temps et d’en découvrir continuellement les nouveaux aspects reflétant les préoccupations actuelles ».

Plaisirs et dangers

Le personnage de Cliff (alias Brian dans le film) arrive à Berlin en quête d’identité. Sally essaie de le séduire et l’initie aux plaisirs du Kit Kat Klub. Ce jeune étudiant tente de mener une vie studieuse, avant de céder aux tentations berlinoises. Pour Thimo POMMERENING, il constitue bien le personnage central de la pièce. « Cliff joue le rôle des yeux et des oreilles à travers lesquels les spectateurs perçoivent l’histoire. Il arrive en tant que voyageur, encore très peu expérimenté. Malgré sa naïveté, il est néanmoins un observateur perspicace et intelligent ouvert à l’aventure tourbillonnante de ce Berlin du début des années 1930 ».

Le Cabaret (le fameux Kit Kat Klub inspiré par l’Eldorado) est un lieu de liberté où tous les plaisirs sont permis, où chacun peut exprimer sa différence sans crainte. Même si le danger n’est jamais très loin. « Le cabaret est un endroit où la diversité sexuelle et la non-conformité sont tolérées et célébrées. Mais caché quelque part se trouve un avertissement : ceux qui se perdent dans les plaisirs et négligent le danger qui rôde se retrouveront bientôt enfermés dans le piège du nazisme ».

Willkommen bienvenue welcome !

Que serait Cabaret sans ses chansons ? La pièce a connu un grand succès et pourtant certaines mélodies n’étaient pas dans la pièce originale ! « Je ne connais pas d’autre comédie musicale ayant subi une évolution aussi riche et variée. De nouvelles chansons ont été composées pour le film : « Maybe this time » et « Mein Herr », par exemple. Quant à « Money makes the world go round », elle a été réarrangée en profondeur pour le film. Les productions suivantes à travers le monde ont toujours fait leurs propres sélections ».

Avec humour et satire les chansons de Cabaret mettent en lumière les contradictions entre le monde flottant de ce monde interlope et l’intolérance qui, tout autour, se fait toujours plus insistante. La plus marquante présente un homme amoureux d’une guenon travestie en femme, If You Could See Her. Il clame son droit de l’aimer et regrette que personne ne la voit à travers ses propres yeux. La chute de la chanson provoque l’hilarité de la salle, pourtant elle est glaçante. « Si vous pouviez la voir comme je la vois. Elle n’aurait pas du tout l’air… juive ! »

Cabaret Musical Berlin
« Cabaret ». © Barbara Braun / Tipi am Kanzleramt

Berlin mis à l’honneur dans Cabaret

Installé face à la chancellerie, le spectacle joué à Berlin plonge les spectateurs au cœur de l’Histoire allemande. « Dans le Tipi am Kanzleramt, l’urgence de l’histoire fondée sur des faits réels racontée par Cabaret devient palpable. Et il ne faut que dix minutes à pied pour rejoindre Nollendorfplatz où Christopher ISHERWOOD a écrit Good-Bye to Berlin dans la pension de Fräulein SCHNEIDER ».

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Le chapiteau accueillant le public est organisée comme un véritable cabaret. Les spectateurs attablés peuvent boire et manger tout en regardant le musical. Mise en abîme de l’intrigue, le Tipi fait donc office de Kit Kat Klub. L’identification à Berlin ne s’arrête pas là puisque les personnages de cette version font usage du parler local. « Quand Fräulein SCHNEIDER perd patience avec les marins que Fräulein KOST ramène continuellement à la pension, elle a recours au dialecte berlinois. Cela fait vraiment partie de notre parti pris de mise en scène ».

Irruption du nazisme dans le monde flottant de Cabaret

« Dans l’acte II, nous assistons à la montée du nazisme. Les personnages changent leur comportement. Ils rompent avec certaines de leurs relations car la crainte s’insinue en eux ». Ainsi, Fritz WENDEL cache son identité juive par peur de ce qui pourrait lui arriver. Mais il tombe amoureux d’une belle jeune femme juive qui refuse d’épouser ce gentil. Elle craint en effet d’être elle-même rejetée par sa famille. Pour vivre son idylle, Fritz en vient à révéler sa judéité. Cliff défend quand à lui ouvertement ses convictions libérales. « Même après que Sally avorte de leur enfant et mette fin à leur relation, il essaie de la sauver. Il va même jusqu’à lui proposer de le suivre à Paris ».

Si le film introduit le nazisme discrètement dès les premiers plans, le train emprunté par Cliff pour quitter Berlin symbolise le changement de régime. « À la fin, le drapeau nazi sur le train symbolise les temps changeants. Et le public, avec sa connaissance de l’histoire, est invité à tirer ses propres conclusions ». Cette montée en puissance se ressent également à travers les chansons. Ainsi, Tomorrow belongs to me, reprise en chœur par la population enthousiaste intoxiquée par la propagande nazie annonce l’avenir sombre qui attend l’Allemagne !

Répétition de l’Histoire ?

L’arrivée au pouvoir des nationaux-socialistes dans les années 1930 n’est pas un souvenir si lointain. Dans l’Allemagne de nos jours, comme un peu partout dans le monde, les partis d’extrême droite rallient de plus en plus de votes. « Au fil des ans, nous avons été frappés par le nombre de thèmes abordés dans Cabaret remis au goût du jour par l’actualité. Cela ne fait qu’approfondir l’urgence de présenter cette œuvre, encore et encore. Voilà ce qui se produira si ces gens reviennent au pouvoir ! C’est notre contribution pour la lutte en faveur de la liberté et de la démocratie à travers l’art ».

Quant au protagoniste de Cabaret, il est en recherche de son identité sexuelle. Il a des rapports avec une femme, puis avec un homme. Tous les trois forment d’ailleurs une sorte de trouple à l’image des extravagances du Kit Kat Club. La chanson « Two ladies » symbolise bien cette revendication de liberté, tout comme la présence de personnages transgenres. « Les débats autour de la diversité sexuelle, des droits des personnes transgenres et de l’acceptation sociale deviennent de plus en plus vifs de nos jours ». Et cela fait écho au Berlin des années 30, où la vie queer est subitement prise dans l’étau du national-socialisme.

« Life is a Cabaret »

Ainsi, « dans un monde où les idées d’extrême droite deviennent à nouveau socialement acceptables, Cabaret incite à reconsidérer les questions liées au racisme et aux réminiscences nationales-socialistes. Cela nous pousse à réfléchir à nos actions et à nos comportements ». Pour ce faire, la mise en scène de Cabaret au Tipi am Kanzleramt immerge les spectateurs dans l’atmosphère du spectacle. En effet, les acteurs débordent de la scène et interagissent avec le public. Tantôt de manière provocatrice, tantôt en le mettant en danger. Il en va ainsi avec les danseuses venant aguicher les spectateurs. Ou encore, avec la bagarre qui éclate en pleine salle.

« Ils sont des témoins complices pris entre voyeurisme et évasion ». Ainsi la tolérance du public, tout comme sa capacité à agir ou à fuir sont testées. De manière métaphorique, cela reprend les choix auxquels sont confrontés les personnages de la pièce. Le public s’identifie donc pleinement à tout ce qu’il voit sur la scène. « Cabaret veut aider les spectateurs à mieux saisir et interpréter les comportements humains, surtout en ces temps de crise. Et elle promeut les valeurs de tolérance et de paix ».

Cabaret. Das Berlin-Musical repris au Tipi am Kanzleramt à partir du 2 juillet 2026. Große Querallee, 10557 Berlin, Allemagne. Billets : +49 30.390 665 50. E-Mail: tickets@tipi-am-kanzleramt.de. Billets en ligne en cliquant ici.

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