Dans son premier roman Embrasser l’autre rive, Rénaldine LENOIR explore les thèmes de l’œnologie, de l’émancipation et de la quête de soi. À travers l’interview qu’elle a accordée à La Tribune de l’Initiative, elle se livre sur son parcours ainsi que les points de tension qui donnent à son premier récit sa couleur particulière.
Formatrice et consultante en matière de responsabilité sociétale, Rénaldine LENOIR nourrit depuis toujours le désir d’écrire. À la naissance de sa deuxième fille, elle se forme à l’écriture de romans auprès de l’Institut des carrières littéraires.
Pour son premier roman, elle se tourne vers l’univers du vin car ce dernier lui est familier. Diplômée en viticulture et en œnologie, la cinégénie des terroirs l’attire… Embrasser l’autre rive aborde les thèmes de la quête de soi face aux dynamiques familliales écrasantes. Ainsi, son héros lutte pour être digne des attentes de sa famille et de ses amis. Mais, lorsqu’il ne se sent plus en mesure de faire face, il lui faut rapidement réagir.
Du Médoc à la Napa Valley : un parcours initiatique
Inspirée par Alexis MICHALIK (Loin) et par l’humour d’Amistead MAUPIN (Chroniques de San Francisco), Rénaldine LENOIR définit son livre comme un « roman initiatique ». Son récit suit le parcours d’Étienne, façonné par l’expérience, le voyage et les rencontres.
Ainsi, Embrasser l’autre rive explore le tiraillement du jeune adulte entre, d’une part, son héritage familial, et d’autre part, la quête de sa propre identité. Le roman explore le chemin qui le mène vers l’affirmation de soi. En outre, Rénaldine LENOIR met en scène le choc entre le Médoc viticole, traditionnel et patriarcal, et une Californie plus affranchie, entre la Napa Valley et San Francisco. Elle se livre à une étude comparative entre ces deux univers, aussi proches qu’ils sont divergents, et nous emmène avec elle !
Grands espaces et liberté : Californie, terre d’émancipation
Pour son premier roman, Rénaldine LENOIR aborde un domaine qu’elle connaît bien. Pour elle, l’authenticité naît de l’expérience directe. Le poste qu’elle occupe pendant quatre mois dans la Napa Valley en fait une fine connaisseuse de la viticulture locale. Tout comme elle connaît déjà le Médoc. En outre, elle s’appuie sur son expérience en tant que Flying Winemaker (« vigneronne volante »). Elle a ainsi été amenée à vinifier entre l’Amérique du Sud et du Nord. Et cela donne à son écriture un grand réalisme, auquel elle ajoute sa sensibilité propre.
Rénaldine LENOIR situe son récit dans la Californie des grands espaces et de la liberté retrouvée. C’est là-bas qu’elle-même parvient à se défaire des dernière injonctions pesant encore sur elle. Elle décide de transposer sa propre en métamorphose à son héros, Étienne.
Embrasser l’autre rive : subtil équilibre entre réalisme et émotion
Rénaldine LENOIR recourt à la narration à la troisième personne, l’emploi du « je » lui paraissant plus artificiel. C’est donc à travers les yeux d’Étienne que le lecteur vit son récit. La focalisation interne permet au lecteur de suivre les pensées, les sensations et les hésitations du jeune homme. Grâce à ce dispositif, le récit avance, porté par la voix d’Étienne qui observe et ressent.
En outre, Rénaldine LENOIR prend bien soin d’intégrer dans son ouvrage des termes issus du champ lexical propre aux vignerons. Ce faisant, elle cherche à véritablement ancrer son texte dans le quotidien d’un métier qui fait rêver. Bien entendu, à aucun moment le roman ne se transforme en un traité technique de viticulture. C’est donc avec subtilité qu’elle dose, explique et ajoute des notes en bas de page lorsqu’elle le juge nécessaire. Après avoir pris soin de valider tous les points techniques avec son mari, lui-même directeur technique au sein de domaines viticoles.
Le vin, miroir des émotions
Le vin se transforme donc en langage métaphorique. Un vin qui déçoit reflète les émotions et les incertitudes d’Étienne. L’année de naissance de son père, qualifiée par le patriarche d’insipide, devient un condensé de l’histoire familiale. Le champ lexical lié au vin (« fosse », « remous », « vendanges intérieures ») lie le travail de la vigne aux émotions ressenties par les personnages. En même temps qu’il produit son nectar, Étienne goûte, doute et s’affirme.
Même s’il reprend à son compte la tradition familiale, Étienne tient à s’en distinguer. Il ne cherche pas à reproduire, mais à comprendre et à choisir. La recherche des meilleures techniques se confond avec la recherche de soi. Selon Rénaldine LENOIR, « Étienne honore l’héritage de son père, tout en inventant sa propre voie ». Tradition et innovation ne s’opposent pas : elles se répondent et s’enrichissent mutuellement.
À travers son roman Embrasser l’autre rive, Rénaldine LENOIR en profite pour exhorter les jeunes adultes à se construire leur propre identité et à y rester fidèles. Étienne illustre bien cette philosophie. On le voit détricoter sa pelote familiale et faire le tri entre ce qui lui appartient vraiment et ce qui relève de l’inertie..
Embrasser l’autre rive : le vin comme outil d’affirmation de soi
Étienne se sert de son métier pour affirmer sa manière d’exister, sans nécessairement reproduire à l’identique son modèle parental. Ce faisant, il utilise les écarts entre les générations comme autant de ponts lancés pour guérir les fractures. « Étienne invente ainsi sa propre trajectoire où le savoir-faire hérité nourrit l’audace, et où l’audace redonne du sens à son héritage ».
Il n’oppose pas l’exploitation familiale à ses aspirations personnelles. Il respecte les racines, la mémoire, tout en introduisant un regard neuf, des choix différents, une esthétique qui lui ressemble. Son parcours montre qu’un héritier peut être créateur, qu’il peut changer sans se renier.
Ce parcours présente un écho personnel avec celui de l’autrice. Elle grandit auprès d’une mère professeure d’anglais, dans un univers d’enseignants. Longtemps, elle se persuade que l’enseignement n’est pas fait pour elle. Aujourd’hui, elle est formatrice indépendante, appréciant de pouvoir transmettre. Ainsi, Rénaldine LENOIR conserve l’amour de la pédagogie, l’envie de transmettre. Tout en l’exerçant dans un cadre lui convenant mieux, le freelancing, avec des outils différents, sur des thématiques nouvelles.
Portraits croisés : cinq rencontres qui changent tout
Étienne naît dans un milieu où la continuité paraît évidente. Cependant, à travers ses rencontres et ses voyages, il passe du statut d’héritier conforme à celui d’un « rebelle » assumé. Cinq personnages secondaires, Cheryl, Christian, Samuel, Tom ou Brune contribuent à sa transformation.
Cheryl se présente comme sa « mère américaine ». Au début, il la juge superficielle, puis il finit par découvrir chez elle une véritable profondeur. Elle lui offre un regard différent sur la réussite et sur la liberté, un cadre souple au sein duquel il lui est permis de penser autrement.
Christian, son ami mexicain, évolue dans un milieu pétri de préjugés, au sein duquel il est difficile d’affirmer sa propre identité. Surtout quand son orientation sexuelle vous distingue des autres. Par sa seule présence, Christian amène Étienne à mesurer le poids du regard des autres et la force nécessaire pour s’en affranchir. Il l’aide à comprendre que l’affirmation de soi n’est pas un affront mais une nécessité.
Samuel, son meilleur ami, l’accompagne jusqu’au point de rupture. Il existe entre eux un déchirement, une fissure qui oblige chacun à se regarder en face. Cette tension les aide à séparer ce qui tient de l’habitude de ce qui relève du choix. Pour Samuel, l’amitié va de pair avec la vérité. La seconde peut même sauver la première.
Tom, jeune homme de San Francisco, change la ligne de vie d’Etienne. Il s’éprend du vigneron, et cet amour lui donne la force d’oser. Sous l’influence de Tom, Étienne finit par assumer son orientation, différente, tout comme ses choix professionnels.
Brune arrive dans une maison où l’air est lourd, prête à prendre la place d’Étienne. Elle agit comme une menace, un déclencheur. Sa présence impose un mouvement, et fracture une inertie confortable. Après l’avoir perçue comme un facteur de risque, Étienne finit par s’en faire une alliée.
L’ombre du père
Le père d’Étienne est charismatique, reconnu dans son domaine. Il impressionne. Il conduit le vignoble familial en biodynamie, une pratique agricole imprégnée de spiritualité, qui prend en compte les cycles lunaires et s’appuie sur des méthodes naturelles. Ce faisant, il s’écarte des usages sans renier son terroir d’origine et une certaine tradition, qu’il incarne à sa façon.
Face à ce père qui en impose, Étienne souffre d’un complexe d’infériorité, d’autant que son père ne perd pas une occasion de le rabaisser. Au début du récit, on a l’impression que les deux hommes sont même animés par un instinct de compétition. Pourtant, chacun affirme sa différence à sa façon.
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Embrasser l’autre rive, et après ?
Aujourd’hui, Rénaldine LENOIR a déjà entamé l’écriture de son deuxième roman. Ce dernier conserve le lien avec l’univers viticole. Pour autant, il ne s’agit pas d’une répétition, car il se veut plus drôle et plus léger.
En outre, l’autrice développe un projet de mentorat via des ateliers d’écriture dédiés aux femmes. Elle affine son offre, et définit des axes d’accompagnement pour des femmes et autrices qui, comme elle, souhaitent trouver leur voix.
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