Franco-syrien et marseillais de cœur, Rohan HOUSSEIN a dévoilé le 14 novembre dernier son nouvel album L’Art et la Beauté, fruit d’une collaboration intime avec le producteur Labo Klandestino. Né d’un flow créatif spontané, ce projet mêle poésie, rap et influences jazz dans une quête de sens et d’universel. À travers sa musique, Rohan met au centre de son art mémoire, filiation et beauté comme autant de formes de résistance.
Par Hélène HUDRY
Le nouvel album de Rohan HOUSSEIN, L’Art et la Beauté, arrive comme une respiration. Une parenthèse dans le tumulte, une offrande à la justesse, à la fragilité. « J’ai l’intime conviction que l’art, la beauté et la poésie font partie des solutions », confie-t-il. Derrière ses mots se dessine la promesse d’une œuvre sincère, ancrée, vibrante. Un geste d’artiste qui résiste par la douceur.
Rohan HOUSSEIN, artiste entre deux mondes, enraciné dans la parole
Rohan HOUSSEIN est de ces artistes qu’on n’enferme pas. Français rattaché à ses racines syriennes, il grandit entre deux cultures, entre mer et Méditerranée. Marseille devient son port d’attache, son souffle, sa muse. C’est là qu’il écrit, compose, se nourrit de cette ville-monde aux mille visages.
Sa voix, grave et posée, porte en elle une force tranquille. Pourtant, Rohan HOUSSEIN ne revendique aucune étiquette. « Je pense qu’on peut s’amuser avec les appellations en développant une vision pluridisciplinaire. Quand on est artiste, l’important c’est de faire, de créer des œuvres. Suis-je poète, rappeur ou slameur ? Peut-être les trois à la fois ». Son parcours est celui d’un artisan du verbe. Un chercheur d’équilibre entre ancrage dans le quotidien et envolées lointaines quasi-mystiques.
« Il y a un mouvement de balancier dans ma musique, explique-t-il. Comme dans la capoeira, avec le mouvement de la « jinga » : solidement ancré au sol mais avec de grandes envolées corporelles et acrobatiques ». Cette dualité, justement, le caractérise. Ses textes parlent de l’intime autant que du vaste monde. Chez lui, la spiritualité n’est jamais coupée du réel : elle le traverse, humblement.
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Rohan HOUSSEIN : son art comme un acte de résistance douce
Loin du cynisme ambiant, Rohan HOUSSEIN revendique sa foi dans l’Humain. « Dans cette époque complètement folle, d’une violence inouïe et presqu’obscène, c’est une manière de résister. De résister avec douceur, par les mots ». L’Art et la Beauté n’est pas un slogan : c’est un manifeste. Chaque morceau devient un espace de respiration dans une époque en apnée.
L’artiste croit en la puissance de la sensibilité. Là où beaucoup cherchent la provocation, lui propose une communion. « Il y a un public pour chaque forme d’expression dès lors que l’intention demeure authentique », affirme-t-il. Sa musique est un cadeau offert sans calcul. Une manière d’ouvrir un dialogue plutôt que d’imposer un discours.
Rohan HOUSSEIN et sa poésie moderne
Son univers emprunte à la philosophie autant qu’à la poésie. Il cite le poète perse Jalâl al-Dîn Rûmî (1207-1273) : « De la canne à sucre surgit le sucre, du cocon s’exhale la soie. Si tu sais patienter, alors même du raisin le plus amer pourra éclore un peu de douceur ». Cette citation l’incite à puiser à l’intérieur de quoi se tourner vers « la grandeur du dehors ».
Dans ses mots, la beauté n’est pas décorative, elle est vitale. « Je pense qu’elle est essentielle. Parfois, les politiques rechignent à accorder trop de liberté aux artistes et aux poètes, car ils craignent le caractère subversif de la beauté ». Rohan HOUSSEIN ne cherche pas la perfection mais la justesse. Sa démarche est celle d’un passeur, entre ombre et lumière, intériorité et monde du dehors.
L’Art et la Beauté, flow créatif et amitié
L’Art et la Beauté devait, au départ, n’être qu’un EP. « Initialement, l’intention était de créer un format court. Mais de nombreuses idées d’écriture sont venues s’agréger au projet initial. Et comme nous avions assez d’énergie et de contenu créatif, nous avons fini par donner naissance à un album complet ». Dans cette aventure humaine, Rohan HOUSSEIN a pu compter sur la collaboration de son ami, musicien et producteur fétiche Labo Klandestino, figure marseillaise de la scène jazz et hip hop. Ensemble, ils se sont retrouvés à l’unisson pour donner une cohérence sonore à L’Art et la Beauté.
« L’Art et la Beauté s’est construit sur une amitié, un cheminement commun, dit Rohan HOUSSEIN. On s’est laissé guider par nos intentions, nos intuitions. » Il ajoute : « Dès qu’on avait besoin d’un arrangement, on invitait un musicien de la scène jazz pour poser son instrument sur le morceau afin de l’enrichir. Cela a représenté une véritable aventure humaine, débouchant sur un album organique ».
Rohan Houssein – Mère Méditerranée (live au Mucem). Écrit et interprété par Rohan Houssein. Musiques : Caroline Bentz – Lame de fond. Aarif Jaman – Bayati. Wajd Ensemble – Qanûn Improvisation. Captation live : Pierre Vaisse
L’Art et la Beauté : introspection, rythmes et vibrations
Rohan HOUSSEIN cite le pianiste Robert GLASPER comme une influence majeure. « Comme lui, nous conjuguons musicalité, rap, poésie et jazz ». De là naît une musique qui traverse les genres : tantôt douce et introspective, tantôt rythmée et vibrante.
Les thèmes abordés sont multiples. La parentalité, la mémoire, la filiation, mais aussi l’identité et le regard d’artiste que Rohan HOUSSEIN jette sur le monde. « À l’arrivée de ma fille, je ne me suis senti inspiré et désireux comme jamais de poursuivre dans cette voie pour apporter un peu de sens à tout cela ». De cette révélation naît Paternalis, morceau lumineux sur la transformation intérieure qu’apporte la paternité.
Dans ses textes, Rohan HOUSSEIN ne cherche pas à convaincre, mais plutôt à relier. « Ce que l’on a souhaité proposer au monde, c’est une forme de cadeau, que le public est libre d’accepter ».
Sur scène, une présence en quête d’humanité
Sur scène, Rohan HOUSSEIN dégage une présence bien particulière, ancrée. « La scène implique une forme de responsabilité, dit-il. Des êtres humains nous regardent, nous écoutent. On se doit d’honorer ce moment ». Il n’y a ni pose, ni artifice. Sa prestance vient de cette sincérité-là, de ce respect profond pour son public.
Chaque concert est différent. « C’est pour cela qu’on utilise l’expression de ‘spectacle vivant’. Car on est loin de la routine ». Rohan HOUSSEIN est à la recherche du moment présent et il s’adapte à son public, à chaque fois renouvelé. D’ailleurs, il se définit comme un artiste « géopoétique ». Chaque lieu devient prétexte à rencontres. Partout, il cherche ce lien invisible qui relie les êtres entre eux.
Rohan HOUSSEIN célèbre le partage
Son avenir, il le voit dans le partage. Loin d’être une finalité, la sortie de L’Art et la Beauté ne constitue qu’une étape. « J’espère avoir l’opportunité de défendre ce projet, de l’offrir le plus longtemps possible. J’espère pouvoir proposer des concerts, des moments de réunion autour de ce bel album ».
Avant de quitter l’entretien, il glisse une phrase d’Albert CAMUS, dont il a fait son credo personnel. « L’artiste se forge dans cet aller-retour perpétuel de lui aux autres, à mi-chemin de la beauté dont il ne peut se passer et de la communauté à laquelle il ne peut s’arracher »*. C’est dans cet espace exactement que se situe L’Art et la Beauté de Rohan HOUSSEIN.
* Phrase extraite du discours prononcé par Albert CAMUS à l’occasion de la réception du prix Nobel de littérature, le 10 décembre 1957 à Stockholm.
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Rohan HOUSSEIN conçoit son album L’Art et la Beauté comme un acte de résistance entre rap, jazz et humanité. Photo : (c) d’après Writer-Anya SMITH. Vidéo : (c) LaTDI. Musique : (c) ES_Two Steppin’ (Instrumental Version) – Nbhd Nick.


