Dans la première partie de son interview, Olivier Barbery évoque la façon dont, un beau jour de confinement, il a réactivé son projet de livre consacré au doublage. Passionné par cet exercice, il a ressenti le besoin d’exploiter les interviews réalisés dans le cadre de ses études de cinéma, il y a vingt ans. Aujourd’hui, ce n’est plus un livre qu’il publie, mais un périodique, uniquement consacré à son sujet favori : Synchro Magazine. Dans la deuxième partie de son interview, il nous plonge dans les arcanes du doublage. Il actualise son image en évoquant l’irruption du numérique. Avant de nous décrire son magazine dont il a voulu faire un véritable objet de collection…
Une plongée dans les arcanes du doublage
Les lecteurs peuvent retrouver dans Synchro Magazine tout ce qui a trait aux arcanes du doublage. Comment fonctionne le doublage ? « Quand on lit une interview de 50 pages sur Richard Darbois (Harrison Ford, Danny Glover, Richard Gere, Jeff Goldblum, etc.), on accède à la construction de certains doublages de films mythiques. Comment s’est organisé le travail avec les directeurs artistiques, véritables metteurs en scène des versions françaises ? On accède à certaines anecdotes également… » Olivier s’intéresse ainsi au parcours des comédiens, pas uniquement dans le domaine du doublage. Il revient sur la trajectoire les ayant menés au doublage. « Ce qui est passionnant ! »
Avec Synchro Magazine, Olivier, lui-même passionné de doublage, s’adresse directement à d’autres passionnés. Il fait le magazine qu’il aurait aimé lire. « Malheureusement, les interviews de Richard Darbois que l’on trouve sur YouTube sont relativement courtes. Moi, je l’ai interviewé pendant quatre heures. Pendant ce laps de temps, j’ai pu approfondir certains aspects de sa carrière trop souvent méconnue ».
Quand Olivier retranscrit les propos de l’interviewé, il les adapte à la langue écrite, bien entendu. Cependant, il évite le style indirect. En effet, il ne cherche pas à condenser les propos de la personne interrogée pendant plusieurs heures en un texte de cinq ou dix pages seulement. Car l’ambition du magazine consiste à retranscrire le plus fidèlement possible les propos des interviewés.

Les grandes maisons de doublage
Il existe de grands doubleurs, ou maisons de doublage, qui sont de véritables intermédiaires entre un distributeur (client) et les comédiens et les techniciens travaillant pour ces doubleurs. Olivier cite Dubbing Brothers, le plus grand studio de doublage actuel, mais aussi SONODI ou Titra Films. Dans le passé, SOFI a connu son heure de gloire avec les séries ayant marqué les années 80/90, tout comme l’Européenne du Doublage.
Le nombre de studios de doublage a tendance à exploser aujourd’hui. En effet, ils répondent à une demande en pleine croissance, car il existe toujours davantage de plateformes produisant séries et films. Par ailleurs, la plupart des studios de doublage réalisent aussi le sous-titrage des œuvres.
Le doublage : un processus artisanal et laborieux
Les doublages de films se fondent sur le travail d’adaptateurs, ou traducteurs. Ces derniers sont des auteurs à part entière : ils mettent deux ou trois semaines pour traduire un film. Ils sont d’ailleurs rémunérés en tant qu’auteurs, touchant des droits en tant que tels.
L’adaptation d’une version étrangère constitue un véritable travail d’auteur-adaptateur, qu’une machine ne pourrait mener à bien. Par exemple, les Simpsons sont truffés de gags à l’attention du public américain. Les gags font référence à l’actualité politique US ou encore à des événements connus des Américains seulement.
Par conséquent, une traduction mot-à-mot tomberait complètement à plat pour des publics étrangers. En effet, ils n’y comprendraient goutte, ne disposant pas des références nécessaires pour décrypter les gags. « Ils ne connaîtraient pas la personnalité dont il est question. Ou encore, ils ignoreraient le fait d’actualité à l’origine de tel gag. En France, nous connaissons l’actualité américaine dans les grandes lignes seulement. Cependant, nous n’avons pas la vision d’un insider, par définition ». L’adaptateur réalise par conséquent un travail de localisation, pour rendre les dialogues truculents, drôles et surtout pertinents pour le public français.
Synchronisation labiale
Par ailleurs, il existe un besoin de synchronisme du mouvement des lèvres des comédiens que l’on voit à l’écran. « C’est ce qu’on appelle la synchronisation labiale », explique Olivier. C’est-à-dire que, avant même de commencer l’adaptation, le film est passé au détecteur d’ouvertures de bouche des acteurs dont on voit les lèvres bouger à l’écran. L’adaptateur doit donc écrire un texte qui reprend le sens des dialogues, tout en demeurant synchrone avec les ouvertures de bouche.
Cela représente un travail artisanal, qui fait l’objet d’une vérification minute par minute avec le directeur artistique, pour voir si tout fonctionne. D’intenses discussions peuvent en découler. Là où cela fonctionne moins bien, l’équipe de doublage essaie de trouver des solutions pour que les versions françaises soient les plus efficaces possible. « Il faut bluffer le public. Quand le travail est bien fait, le spectateur ne doit plus avoir conscience de regarder une version doublée ».
L’irruption du numérique
La durée de doublage dépend souvent du budget d’un film. « S’il s’agit d’un film à 200 millions de dollars, compte tenu des attentes, le doublage sera soigné et il prendra donc plus longtemps ». Cependant, le numérique a permis de considérablement réduire la durée du doublage des films. À titre de comparaison, Harry Potter a nécessité trois semaines en 2001. Cela était très confortable, même si le doublage impliquait des enfants. Aujourd’hui, un film peut être intégralement doublé en trois ou quatre jours seulement.
En effet, par le passé, on travaillait sur des boucles sur bande. Une fois que la boucle était traitée, il fallait la rembobiner et cela prenait dix minutes. Avec le numérique, le travail s’effectue du tac au tac, ce qui accélère considérablement la cadence.
Par ailleurs, de nombreux comédiens enregistrent désormais en tracks. Ils enregistrent seuls, ce qui leur permet de faire un montage et un mixage beaucoup plus efficace. Le rythme de travail a donc connu une accélération drastique. Si bien qu’aujourd’hui, les comédiens estiment qu’ils ont atteint une cadence de travail maximale, incompressible sous peine d’en réduire la qualité.
Un magazine papier ET numérique
Aujourd’hui, Olivier est conscient qu’il existe une communauté importante de passionnés de doublage. Preuve en est que l’on peut trouver sur internet des forums comptant 15.000 personnes consacrés au doublage. Parmi eux, de très grands passionnés discutent activement et postent des commentaires tous les jours. Olivier est convaincu de l’existence d’un marché pour son magazine, même s’il n’a pas encore atteint le plancher de 600 exemplaires vendus tous les deux mois qui lui permettrait de se verser une rémunération.
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Pourtant, Olivier ne ménage pas sa peine pour promouvoir Synchro Magazine. Il propose donc une version papier de son magazine, extrêmement soignée. Elle s’apparente plutôt à un livre qu’à un magazine de type Télé 7 Jours : papier 135 g., couverture cartonnée, photos en couleurs, etc. De plus, sur son site, les lecteurs ont aussi la possibilité de prendre un abonnement digital. Cela leur permet d’avoir accès à l’intégralité des interviews. La version numérique est davantage pensée à l’attention des personnes n’ayant pas d’appétence particulière pour le papier. Plus aucun voxophile n’a donc d’excuse pour s’adonner à sa passion : que ce soit en versions papier ou digitale, Synchro Magazine est fait pour eux !
Plus d’informations sur : synchrodoublage.fr.
Olivier Barbery nous présente son magazine Synchro, dont le numéro spécial à paraître à la fin de 2022 est consacré au doublage mythique de Harry Potter (2001). Photo : (c) Synchro Magazine. Vidéo : (c) LaTDI.
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