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Nabu met de l’intelligence artificielle dans la supply chain (1/2)

Dès 2018, à la veille de créer sa start-up Nabu, du nom du dieu des scribes chez les Babyloniens, Arnaud Doly a déjà pleinement conscience de l’importance des échanges internationaux de marchandises. La majeure partie des produits que nous consommons, et sur lesquels nous fondons notre mode de vie, dépendent de la supply chain (chaîne d’approvisionnement) internationale. Lors d’expériences professionnelles antérieures, il a pu constater à quel point les formalités douanières constituaient un goulot d’étranglement pour ces échanges. Il a donc l’idée d’utiliser l’intelligence artificielle pour fluidifier les échanges internationaux. Nous l’avons rencontré pour qu’il nous parle de son projet…

Depuis qu’il est tout petit, Arnaud Doly a une obsession : les lignes le code. Il commence à coder très tôt, à huit ans. Par la suite, il arrête l’école à 15 ans, avant même de passer son brevet, car cela ne l’intéresse plus. Il passe les deux années qui suivent à coder. À 17 ans, il monte sa première entreprise avec un ami dans le secteur de la domotique. « Nous proposions alors à des restaurants de pouvoir contrôler la musique, la lumière, à partir d’un smartphone », se souvient-il.

À 18 ans, désireux de voir le monde, il rejoint un ami résidant à Manchester. Il y restera pendant trois ans. Pendant son séjour dans le nord de l’Angleterre, on lui offre la biographie de l’un des grands pontes du commerce international des matières premières. Cela lui donne envie de travailler dans ce secteur. Il déménage donc à Londres pour travailler dans le commodities trading au sein d’un grand négociant international de sucre.

équipe Nabu autour Arnaud Doly
De gauche à droite : Joshua Rapior, Rebecca Velthaus, Olivier Ho, Arnaud Doly, Dominique Renaud. (c) Nabu.

Une première expérience dans le commerce international

Là, il se noie dans l’admin, tant les documents liés au transport de marchandises, à la conformité, au passage des frontières, aux validations de compliance pour les banques, etc. sont nombreux. Afin d’en mieux comprendre les tenants et les aboutissants, il s’inscrit à une formation dispensée par le London Institute of Banking & Finance. Il travaille alors sur le contrôle des de documents de conformité. À mesure que sa vision des rouages du commerce international s’éclaircit, il acquiert la certitude qu’il ne pourra jamais travailler dans ce secteur. Il se rappelle à quel point « les process étaient infernaux, extrêmement manuels et archaïques ».

Il finit donc par rentrer à Strasbourg où il travaille pendant un temps dans l’immobilier. Néanmoins, il continue de penser au commerce international. Petit à petit, il forme le projet de travailler sur l’administratif pour essayer de l’accélérer, voire de le supprimer. C’est ainsi que naît Nabu, de sa volonté de « libérer toute la supply chain de la paperasse. Nous créons donc notre société en 2018 et nous commençons à développer en 2019 ».

Comment l’idée de Nabu vient à Arnaud Doly

L’idée de Nabu lui vient un jour qu’il pense au récit de son ancien coloc, alors qu’il habitait à Manchester. Alors que ce dernier étudiait à l’université, il avait révélé à Arnaud que, à chaque fois qu’il rendait un devoir, l’université le scannait. Elle en extrayait les données et les checkait avec Google et Wikipedia pour voir s’il ne s’agissait pas d’un plagiat. Là, le visage d’Arnaud s’illumine : « je me suis dit : ‘c’est ça le secret !’ Nabu sera le logiciel de l’université. La réglementation des échanges internationaux, cela sera Google et Wikipedia. Enfin, les documents qui suivent la marchandise, ce seront les devoirs des élèves. J’ai voulu essayer de répliquer le système de vérification de l’université dans le secteur du commerce international ! »

Arnaud l’avoue : il est un geek assumé et ne jure que par les lignes de codes. Pourtant, il lui aura fallu des années avant de réaliser que certains process du commerce international pouvaient être digitalisés ! En effet, la prégnance du manuel et de l’archaïque lui paraissait si forte ! « En fin de compte, ce sont les logiciels de l’université de Manchester qui m’ont donné l’idée de Nabu. J’en suis devenu convaincu : nous allions pouvoir améliorer le traitement des documents relatifs au commerce international ».

Qui sont les clients de Nabu ?

Les clients de Nabu sont des sociétés situés à Marseille, au Havre et à Roissy. Ce sont des transitaires, pour l’essentiel, c’est-à-dire qu’elles organisent le transport des marchandises. Par exemple, une entreprise ayant fabriqué un produit, va mandater un transitaire pour qu’il s’occupe de trouver le transporteur qui pourra envoyer un camion à l’usine pour venir le chercher. Ce camion amènera la marchandise jusqu’au port. Puis un deuxième transporteur prendra le relais sur les mers, avant qu’un troisième ne l’emmène jusqu’à sa destination finale par camion.

Ces transitaires vont également s’occuper de toutes les tâches administratives afférentes. « Le premier cas d’usage que nous traitons aujourd’hui, ce qui occasionne la mise en test de notre plateforme à partir de ce mois-ci, est représenté par les déclarations douanières. Nous discutons avec les services douanes de ces transitaires. L’objectif consiste pour eux à accélérer les opérations douanières, en se montrant beaucoup plus efficaces sur chaque dossier ».

Nabu : un travail de scribe

Par exemple, mettons qu’une entreprise envoie de la marchandise au-delà de nos frontières en demandant à son transitaire d’effectuer la déclaration douanière correspondante. Elle communique à ce dernier la documentation relative à cette marchandise (facture, certificat d’origine, etc.). Le déclarant en douane va se rendre sur le portail de la douane. Puis il va entrer les informations relatives à la marchandise exportée. Une fois que la déclaration est validée, le formulaire est envoyé à la douane par internet.

Au sein de ce processus, Arnaud décrit la prestation qu’il propose comme « le travail de scribe. Nous sommes là pour supprimer les tâches les plus chronophages et les plus sujettes aux erreurs chez le déclarant. Car aujourd’hui, la documentation est traitée manuellement. Nous lisons les documents qui arrivent, nous transformons les donnés. Puis nous les reportons sur la plateforme adéquate, au bon format. Nous générons la déclaration douanière de façon automatisée ». Il ajoute modestement : « notre rôle se limite à faire la petite main de façon semi-automatisée ».

Quand les algorithmes s’en mêlent…

Afin d’obtenir le résultat souhaité, Nabu a recours à l’intelligence artificielle (IA). « Dans le commerce international, la facture est un document-clé. Elle accompagne la marchandise tout au long de son trajet. Or, les entreprises émettrices de ces factures ont toutes des trames différentes. Parfois même, la même entreprise, en fonction du pays destinataire, va utiliser des modèles de factures différents, avec des infos qui ne se trouvent pas au même endroit ».

Selon Arnaud, une IA de base est incapable de lire l’information qu’elle a « sous les yeux », car elle a l’habitude de voir une info A toujours au même endroit sur un document. Or, les types de factures sont extrêmement variables, comme nous venons de le voir. Par conséquent, Arnaud et son équipe entraînent des algorithmes d’IA pour qu’elles se prononcent sur le type d’informations qu’on leur demande d’analyser.

Les différentes tâches assignées aux algorithmes

L’IA va alors être en mesure de donner un pourcentage de confiance, en disant : « Je pense à 72% que ça, c’est la date du document ; cela, je pense à 90% que c’est le poids de la marchandise », et ainsi de suite. Bien entendu, les résultats ne peuvent jamais être garantis à 100%, et les erreurs sont toujours possibles. La plupart du temps cependant, l’IA permet d’extraire des données pertinentes, en reconnaissant les informations mentionnées sur les documents.

De même, si le transitaire reçoit un jeu de documents, l’IA vérifie qu’il s’agit d’un seul document, et non d’une compilation de plusieurs documents. Selon Arnaud, « les algorithmes sont en mesure de savoir cela ».

Ils aident aussi à classifier les documents en en déterminant le type. S’agit-il d’une facture, d’un certificat d’origine, de la liste de colisage permettant d’identifier les colis de l’expédition à l’aide d’un numéro ? L’IA analyse et lit les documents pour en déterminer le type à chaque fois. Parmi eux, la facture commerciale est le plus important. Car elle rassemble les données liées au prix et à la quantité, permettant de déterminer les taxes applicables. En outre, la liste de colisage mentionne les informations relatives au poids. Enfin, à cela viennent parfois s’ajouter d’autres documents de transport (maritime, routier, aérien), ou encore les certificats d’origine délivrés par les chambres de commerce, etc.

(À suivre)

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(c) Marta Shershen – iStock.

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