musée François Tillequin - Collections de Matière Médicale

Musée François Tillequin : la fabuleuse histoire de la matière médicale (Thomas Gaslonde)

Connaissez-vous le musée François Tillequin, dépositaire de l’une des plus anciennes et vastes collections de matière médicale au monde ? La matière médicale désigne l’ensemble des substances végétales, minérales ou animales entrant dans la composition des médicaments. Situé en plein cœur de la Faculté de Pharmacie de Paris, le musée existe depuis 1882. Nous y avons rencontré Thomas Gaslonde, responsable des collections, pour qu’il nous présente ce lieu secret et extraordinaire. Parmi ses échantillons, de l’essence de momie ‘Princesse Aménophis’…

Le musée François Tillequin – Collections de Matière Médicale de la Faculté de Pharmacie de Paris n’est pas un musée comme les autres. Il regroupe avant tout une collection destinée aux recherches menées par le Laboratoire de pharmacognosie. Rappelons que la pharmacognosie est la science des matières premières à potentialité médicamenteuse, qu’elles soient d’origines biologique ou minérale. Thomas Gaslonde travaille au sein de ce laboratoire en tant qu’ingénieur d’études. Mais il est aussi responsable des collections du musée François Tillequin. « Car le musée est étroitement associé aux différents projets de recherche menés par le Laboratoire de pharmacognosie ».

C’est ainsi que Thomas Gaslonde est à l’origine du livret du musée, destiné à raconter de belles histoires autour des échantillons. « Il est vrai que la Matière Médicale suscite la curiosité. Mais enfin, soyons réaliste : face à une rangée de pots de drogues, le simple visiteur peut se sentir perdu. Il est donc nécessaire d’avoir un discours pédagogique et imagé à l’attention du grand public ».

Qui était François Tillequin ?

François Tillequin, dont le buste trône à l’entrée du musée, était professeur de pharmacognosie. Il était également passionné par ce musée. « J’ai eu l’honneur de le connaître. Il est malheureusement décédé en cours d’activité en 2011, ce qui a beaucoup ému la communauté scientifique de la Faculté de Pharmacie. Nous avons donc décidé d’associer son nom au musée ».

L’idée de constituer une collection de matières médicales à Paris voit le jour à la fin du 16e siècle, lors de la création de la Maison de la charité chrétienne. Il s’agissait d’un endroit où l’on soignait les gens et où l’on cultivait des plantes médicinales. Surtout, on y formait des orphelins au métier d’apothicaire. Les élèves avaient donc besoin d’une collection de matière médicale et autres drogues pour se former. Comme le note Thomas Gaslonde, « il est en effet délicat de faire la différence entre différentes drogues. Les plantes sont déjà difficiles à reconnaître quand elles sont en fleur. La difficulté augmente encore lorsqu’on a seulement à sa disposition de simples écorces ».

La Maison de la Charité chrétienne était située rue de l’Arbalète, dans le 5e arrondissement de Paris. L’École de Pharmacie qui lui a succédé s’est installée en 1882 dans ses bâtiments définitifs du 4 avenue de l’Observatoire, Paris 6. Le lieu, toujours en activité, est beaucoup plus grand et bien mieux adapté aux activités d’enseignement et de recherche.

musée François Tillequin - Collections de Matière Médicale
Deux échantillons parmi les Collections de Matière Médicale du musée François Tillequin. (c) Faculté de Pharmacie de Paris.

Grandes explorations et matière médicale

Comment les échantillons sont-ils arrivés au musée ? Certains sont issus d’expéditions scientifiques. « Ils ont pu être ramenés par Dumont d’Urville, d’autres encore par l’expédition Bonaparte en Égypte du début du 19e siècle. Bonaparte s’était entouré de scientifiques lors de sa campagne militaire. Par la suite, des explorateurs partis en Afrique dans les années 1960 ont également rapporté des échantillons plus récents ».

Les voyages d’exploration visaient à ramener un maximum d’échantillons, dans une logique de ‘ratissage’. Aujourd’hui, les collectes sont plus restreintes et encadrées. « Nous nous intéressons beaucoup aux plantes n’ayant pas encore été étudiées. Un kilogramme de ces plantes représente déjà une grande quantité selon nos critères ».

L’approche moderne de la matière médicale est donc devenue plus scientifique et réglementée. Il n’est ainsi plus possible de ramener des échantillons en provenance du monde entier sans autorisation. C’est la raison pour laquelle le Laboratoire de pharmacognosie entretient de très nombreuses collaborations scientifiques. « C’est-à-dire que parmi les personnes collaborant avec nous se trouvent des chercheurs et autres botanistes qui, sur place, nous aident à identifier et collecter les échantillons qui nous sont destinés ».

Certaines plantes présentent un intérêt scientifique. « Une plante peut renfermer une molécule particulière. Car elle a du potentiel, sans pour autant être suffisamment puissante à l’état brut. Il nous faut donc la modifier chimiquement ». Or, pour ce faire, il faut pouvoir en disposer en quantités minimales. C’est la raison pour laquelle elles font l’objet de cultures.

Les évolutions dans la façon d’aborder la matière médicale

La matière médicale, historiquement, recouvre le minéral, le végétal mais aussi l’animal. Toutefois, le végétal demeure prépondérant, « puisqu’il représente plus de 99% de nos échantillons. L’animal représente donc une part très modeste du fonds du musée François Tillequin ».

Aujourd’hui, les prélèvements sur les animaux sont strictement interdits. Même si certaines substances animales, comme les glandes anales de la civette, représentent un certain intérêt pour la parfumerie, par exemple. Heureusement, on ne tue plus aujourd’hui les animaux pour simplement récupérer le contenu de leurs glandes.

Le musée François Tillequin reçoit des visites régulières de parfumeurs en mal d’inspiration. « Nous avons une petite collection de matières animales odoriférantes. À celles-ci viennent s’ajouter de nombreuses huiles essentielles et autres résines odorantes. Ce sont autant de matières susceptibles de donner aux parfumeurs des idées pour leurs compositions ».

Par ailleurs, les entreprises de cosmétologie s’intéressent au musée dans le cadre de leur communication. « Cependant, nos travaux de recherches ne sont pas immédiatement exploitables par les entreprises ».

Les travaux de recherche réalisés sur les échantillons du musée François Tillequin

Actuellement, le Laboratoire de pharmacognosie s’intéresse beaucoup aux résines végétales. Cela peut déboucher sur des collaborations avec des chercheurs de Polytechnique ou du CNRS afin de travailler sur les échantillons historiques du musée. L’intérêt consiste à regarder la façon dont ces substances évoluent dans le temps. « Nous les comparons à des échantillons modernes. Nous voyons si elles ont vieilli en polymérisant, en s’oxydant, etc. Ainsi, nous observons les réactions chimiques affectant nos échantillons sur un temps très long ».

D’autres laboratoires que le nôtre font le lien avec l’archéologie car ils étudient certains cosmétiques déjà en vogue dans l’Égypte ancienne. D’autres font le lien avec les arts, en s’intéressant à des vernis ou colorants utilisés par les grands maîtres de la peinture ancienne.

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musée François Tillequin - Collections de Matière Médicale
Vitrine centrale du Musée François Tillequin – Collections de Matière Médicale. (c) Faculté de Pharmacie de Paris.

Musée François Tillequin : mise à jour de la muséologie… en toute indépendance !

Thomas Gaslonde insiste sur la volonté des responsables du musée de conserver leur indépendance. « Cependant, nous sommes aussi à la recherche de collaborations, aussi bien sur les plans scientifique que financier. Nous sommes soucieux de remettre le musée au goût du jour. Nous avons déjà commencé avec la rénovation de la scénographie de notre vitrine centrale en 2020 et nous souhaitons prolonger cet effort sur nos autres vitrines. Pour mener à bien ce projet, nous avons évidemment besoin de partenariats avec des acteurs désireux non seulement d’y investir un peu de leur temps mais aussi de nous soutenir financièrement ».

Cependant, Thomas Gaslonde souhaite conserver l’esprit du musée, tenant du ‘cabinet de curiosités’. « L’œil est très sollicité dans ce musée. Nous sommes à des années-lumière de l’atmosphère à la ‘White Cube’ propres aux espaces d’art contemporain ».

Enfin, Thomas Gaslonde souhaite mettre à jour l’inventaire de ses collections, dont le dernier remonte aux années 1960. « Il a été réalisé sur des petites fiches cartonnées et n’est donc pas très opérationnel. Nous avons entamé depuis plusieurs années un inventaire informatisé de nos collections. Cela représente un travail colossal, comme vous pouvez bien l’imaginer, au vu du nombre des échantillons que nous conservons ».

Plus d’informations en cliquant sur le site de l’Association des amis du musée François Tillequin. Visites sur rendez-vous uniquement.

Thomas Gaslonde (Musée François Tillequin – Collections de Matière Médicale de la Faculté de Pharmacie de Paris) nous présente un échantillon inattendu… Photo : © Faculté de Pharmacie de Paris. Vidéo : © LaTDI. Music : © ES_Arabian Nights – Sight of Wonders.

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