Le Secret de la Madone mains de La Joconde

« Le Secret de la Madone » : Tania LANIEL sur les traces de La Joconde

Véritable star du Louvre, La Joconde est devenue au fil des siècles le tableau le plus connu du monde. Pour autant, le connaît-on si bien que cela ? Dans Le Secret de la Madone, Tania LANIEL part sur les traces de Mona Lisa. Qui était-elle vraiment ? Quelles relations entretenait-elle avec Léonard de VINCI ? Et avec son mari, prospère marchand-drapier florentin ? En reconstituant l’époque de la dictature de SAVONAROLE (fin du 15e siècle), l’autrice nous invite à remonter le temps…

En parallèle de ses études de cinéma, Tania Laniel fait de la médiation culturelle à l’opéra de Rennes, avant de travailler pour un opérateur de salles de ciné. Après la naissance de ses enfants, elle se consacre à sa famille. Tout en écrivant Le Secret de la Madone…

Intriguée par le mythe de La Joconde, tableau le plus connu du monde, Tania s’interroge. Pourquoi cette toile fascine-t-elle autant ? S’inspirant de la démarche de Tracy CHEVALIER (La Jeune Fille à la perle), elle s’immerge dans de nombreuses lectures et recherches pour donner vie à son récit.

Réinventer La Joconde, entre histoire et fiction

Inspirée par le documentaire de Ian LEESE, Le Mystère de la Joconde révélé, Tania LANIEL explore les mystères entourant ce tableau. A-t-il réellement fait l’objet d’une commande de Francesco del GIOCONDO, ce dernier voulant immortaliser sa femme, Lisa GHERARDINI ? Ou bien son commanditaire est-il en réalité Giuliano de’ MEDICI ? Et la femme représentée, l’une des maîtresses de ce dernier ? Tania LANIEL imagine une intrigue mêlant ces deux hypothèses…

Selon cette dernière, « l’Histoire est faite d’histoires ». Même les récits les plus rigoureux du point de vue scientifique comportent une part de subjectivité. Dans son roman, elle s’appuie sur des faits réels tout en revendiquant sa liberté d’interprétation. Son objectif n’est pas de restituer la vérité absolue, mais de proposer une vision personnelle de l’élaboration du tableau.

SAVONAROLE impose sa dictature sur Florence

Le Secret de la Madone nous immerge dans le Florence de la fin du 15e / début du 16e siècle, époque marquée par des soubresauts politiques et religieux. L’austérité radicale imposée par le prédicateur SAVONAROLE contraste violemment avec l’effervescence créative caractérisant la ville jusqu’alors. Les interdictions pleuvent sur les objets de luxe, les vêtements somptueux ou les objets d’art. C’est le choc pour les habitants lorsqu’ils apprennent que des autodafés s’organisent pour brûler des œuvres majeures de BOTTICELLI, VINCI, MICHEL-ANGE ou encore LIPPI[1]. Ce son les fameux « bûchers des vanités », et tout cela instaure une atmosphère oppressante sur la ville.

Tania LANIEL exploite habilement l’impact de SAVONAROLE sur Florence pour intensifier les enjeux dramatiques. Son règne austère, marqué par la censure et les interdictions, bouleverse la vie des habitants et nourrit les conflits entre les personnages. Francesco del GIOCONDO en vient ainsi à s’opposer à MACHIAVEL.

Francesco del GIOCONDO : portrait de l’homme derrière la Joconde

Le mari de Lisa GHERARDINI, Francesco del GIOCONDO, occupe une place centrale dans le roman de Tania LANIEL. Tisserand de son état, son monde se retrouve bouleversé lorsqu’on lui annonce que la mode et les arts sont désormais soumis à la censure. Cependant, bien qu’il exerce un métier lié à la création, il reste prisonnier de sa vision matérialiste. En particulier, il envisage la mode comme un simple business. L’élévation que l’art infusé dans le stylisme permet d’apporter aux toilettes d’apparat lui échappe complètement. Le total philistin, en somme !

Dépeint comme un homme dur en affaires, froid et parfois hautain, il serait facile d’en faire une figure détestable ! Pourtant, l’autrice choisit de l’humaniser en dévoilant ses pensées et son for intérieur. Grâce au point de vue omniscient de la narration, le lecteur est le témoin direct des réflexions de Francesco au moment même où il les forme. Même les plus inappropriées !

Ce choix narratif, certes, crée une certaine distance. Cependant, il enrichit les personnages, les faisant gagner en complexité. Vers la fin du roman, Tania LANIEL met cependant les pensées de Francesco « sur mute ». Il revient à Lisa seule de les interpréter. Ce basculement narratif ajoute une tension dramatique et maintient la part de mystère entourant Francesco.

Deux versions de La Joconde. (c) Musée du Prado et Musée du Louvre.

Le Secret de la Madone : entre Renaissance et modernité

Sensible à la mode, Tania LANIEL choisit de planter son intrigue à une époque où les vêtements luxueux sont synonymes de noblesse et de raffinement. Hommes et femmes de la Renaissance n’hésitent pas à se parer de soie, de bijoux et de coiffes sophistiquées. Pourtant, cette quête de beauté, souvent associée à des valeurs féminines, se heurte à une dictature prônant l’austérité et rejetant l’ornement.

Dans ce contexte tendu, la Mona Lisa de Léonard de VINCI intrigue autant qu’elle fascine. Ses cheveux détachés, détail audacieux pour l’époque, brisent les codes. Car c’est ainsi qu’on représente les femmes décédées ou encore les prostituées ! Derrière ce choix, on reconnaît un défi lancé à Francesco del GIOCONDO, incapable de transcender le matériel. Mona Lisa, par son portrait, incarne les aspirations contradictoires d’une femme désireuse de s’élever socialement, tout en demeurant libre d’apparaître comme elle le souhaite.

Cependant, la Renaissance, malgré le bond culturel et artistique qu’elle représente, demeure un univers patriarcal où le corps de la femme appartient à l’homme. La main, symbole central dans le roman, illustre cette idée. Lorsqu’un homme demande la main d’une femme, il ne réclame pas seulement son amour, mais aussi son corps, transmis par le père au futur mari. Cette image, à la fois poétique et oppressante, résonne encore aujourd’hui. Dans les violences sexuelles, le consentement de la victime est souvent relégué au second plan, au profit de l’intention supposée de l’agresseur. Cette continuité entre passé et présent révèle une société où le corps féminin reste, trop souvent, objet de contrôle.

Le Secret de la Madone : un récit entièrement remanié

Si son premier jet adopte un vocabulaire contemporain, ses premiers lecteurs lui reprochent un certain anachronisme. Tania LANIEL décide alors de rédiger en ayant recours à un vocabulaire plus classique. En cela, elle s’inspire de son modèle Tracy CHEVALIER, mais aussi d’Évelyne BRISOU-PELLEN, autrice de romans historiques destinés au jeune public.

Ce style remanié permet à Tania LANIEL de créer une passerelle entre passé et présent, transportant le lecteur au cœur de la Renaissance. Parallèlement, elle simplifie sa structure narrative, initialement trop complexe.

Combien de Joconde existe-t-il dans le monde ?

Il existe au musée du Prado une autre Joconde qui intrigue les visiteurs. Cette « Gioconda », vraisemblablement réalisée dans l’atelier de Léonard de VINCI par l’un de ses disciples, ressemble à l’original exposé au Louvre. Elle s’en distingue cependant par ses paysages d’arrière-plan, peints avec des couleurs vives et éclatantes. Mais alors, combien de Joconde Léonard a-t-il réellement peint ?

L’idée selon laquelle Léonard de VINCI aurait réalisé plusieurs versions de La Joconde n’est pas nouvelle, mais elle continue de captiver chercheurs et amateurs d’art. Le documentaire de Ian LEESE explore cette hypothèse, en évoquant la découverte de plusieurs Joconde à travers le monde. Une esquisse de RAPHAËL, ressemblant à une première version du fameux tableau, ajoute une nouvelle dimension à ce mystère. Léonard, connu pour peindre plusieurs variations de ses œuvres, aurait-il laissé derrière lui non pas une, mais plusieurs Joconde ?

À lire également : Stéphane SORLAT et la trilogie du Prado (BOSCH /GOYA / VELAZQUEZ) : faire ressentir plus encore qu’expliquer.

Le Secret de la Madone : initiation aux codes de VINCI

Le mystère demeure, d’autant que Léonard de VINCI ne signait pas ses tableaux de manière traditionnelle. Il préférait laisser des indices subtils. Pour La Joconde, le jaune des manches, appelé jaune lionato et évoquant le lion, est une forme de clin d’œil à son propre prénom, Leonardo.

De même, les noeuds vinciens ornant le haut de la robe de la Joconde, sont une autre forme de signature cryptée. Ces détails deviennent des clés pour les Sherlock Holmes de l’art, désireux de prouver l’authenticité d’une œuvre.

Dans Le Secret de la Madone, La Joconde est bien plus qu’un tableau. Elle est une énigme, un pont entre l’artiste et le spectateur, entre l’histoire du monde et celle propre à chacun. En proposant son interprétation propre, Tania LANIEL invite le lecteur à poser un regard neuf sur l’œuvre. Cette démarche rappelle que l’art, loin d’être figé, est vivant. Il parle, il questionne, il transforme. Et ce faisant, ce n’est pas seulement l’œuvre qui se dévoile, mais aussi celui qui la contemple…


[1] Supposément.

Plus d’informations en cliquant ici.

Qui était vraiment La Joconde ? Etait-ce Lisa GHERARDINI, la femme d’un riche marchand-drapier florentin ? Une amante de Giuliano de’ MEDICI ? Tania LANIEL mène l’enquête dans Florence, alors sous la coupe du prédicateur SAVONAROLE… Photo : (c) Tania LANIEL. Vidéo : (c) LaTDI. Musique : (c) Missa Papae Marcelli, Giovanni Palestrina.

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