Agour affinage fromages Ossau-Iraty

La Maison Agour et ses spécialités gastronomiques basques, entre tradition et modernité

Entrepreneur basque : c’est ainsi que Peio Etxeleku se définit. La Maison Agour, son entreprise, fonde son modèle économique sur l’identité du territoire qui l’a vue naître. Ce localisme ne l’empêche pas de faire connaître et apprécier les spécialités gastronomiques basques, Ossau-Iraty en tête, dans le monde entier. Conscient de sa responsabilité sociale d’entrepreneur, il rend au Pays basque ce qu’il en reçoit. Écoutons-le évoquer ses projets, avec beaucoup d’humilité.

Diplômé de l’ESSEC, Peio Etxeleku commence à travailler dans un cabinet de conseil et d’audit pendant sept ans avant de rejoindre l’entreprise familiale en 2000. Comme il le rappelle, « j’ai commencé à y exercer des fonctions commerciales. Puis j’en ai pris la direction à partir de 2006. Nous avons continué l’œuvre entreprise par mon père, centrée sur un attachement territorial et identitaire très fort, de même que sur la défense d’un certain modèle agricole ».

Maison Agour, c’est d’abord une fromagerie, à laquelle vient s’adjoindre une activité de vente de matériels d’élevage (machines à traire, tanks à lait). « Nous avons aussi développé une activité de charpenterie métallique, en vue de construire les étables ou les bergeries des éleveurs. Fromagerie et charpenterie métallique sont donc nos deux métiers historiques, depuis 1981 ».

L’esprit coopératif au fondement de la Maison Agour

La Maison Agour suit un principe de fonctionnement coopératif, sinon à la lettre, du moins dans son esprit. « En 1981, mon père n’a pas le capital nécessaire pour concrétiser son projet de fromagerie. Si bien qu’il se tourne vers les producteurs de lait. Ces derniers acceptent d’être payés une fois que les fromages sont vendus, même plusieurs années après ». Ce ‘prêt’ permet  à l’activité de démarrer.

Aujourd’hui, Peio s’appuie encore sur un modèle agricole durable et extensif. Il rappelle que les exploitations locales sont petites. « Les tailles de troupeaux demeurent parmi les plus modestes de France. Pourtant, avec leurs méthodes de gestion raisonnées et empreintes de bon sens, les éleveurs en obtiennent un revenu décent ». Au départ, seuls 25 bergers soutiennent le projet de la fromagerie Agour. Aujourd’hui, ils sont 170. Un des facteurs de cette croissance réside dans le dynamisme de la filière laitière ovine.

La Maison Agour et la Vallée d'Iraty, Pays basque.
Vallée d’Iraty. (c) Maison Agour.

Maison Agour : une relation partenariale forte avec les producteurs de lait de brebis

Il faut dire que le prix du lait de brebis n’a cessé d’augmenter ces trente dernières années, malgré le triplement de la production. Généralement, les bergers nouvellement installés, hors successions familiales classiques, se tournent vers la Maison Agour pour trouver un débouché pour leur lait. Cela, quand ils choisissent de ne pas produire eux-mêmes leur fromage dans une optique fermière. En effet, la Maison Agour offre aux éleveurs les meilleures rémunérations.

Car Peio est bien conscient de l’importance du maillon unissant éleveur et transformateur. « Nous apportons par conséquent un soin particulier aux relations que nous entretenons avec les bergers. La nécessité d’avoir un lien fort, partenarial et privilégié avec nos fournisseurs de lait est absolument vitale. Avant même le fait d’aller chercher de nouveaux clients. Cette tendance ne va aller qu’en s’accentuant ».

La Vallée d’Iraty : au cœur de la production basque de lait de brebis

La famille Etxeleku est originaire de la vallée d’Iraty. Pourtant, elle crée sa première fromagerie à Hélette, au centre du Pays basque septentrional (français). Trente ans après, la Maison Agour crée une autre fromagerie au cœur de la vallée d’Iraty. Car il s’agit du lieu historique emblématique de la production de lait de brebis, à l’origine de l’appellation protégée Ossau-Iraty. Le père de Peio suit alors une logique fruitière, consistant à privilégier une zone de collecte locale. Ainsi, le lait provient d’exploitations situées à quelques kilomètres autour du site de transformation, tout au plus. « La vallée d’Iraty est un territoire extrêmement montagneux. Les exploitations y sont encore deux fois plus petites que dans le reste du Pays basque ».

En outre, la race de brebis que l’on y trouve, la manech tête noire, compte parmi les moins laitières de toutes. Néanmoins, elle est rustique, parfaitement adaptée à l’environnement montagneux local. Ainsi, elle assure la transhumance et l’entretien des parcours pastoraux. Les brebis sont nourries sans avoir recours à l’ensilage ni à l’enrubanné. De telles méthodes de conservation des fourrages par fermentation sont caractéristiques de l’élevage intensif. S’en prémunir rend possible les transformations à base de lait cru. « Nous avons donc voulu nous situer au cœur historique de la tradition pour fabriquer nos fromages, tel que l’Ossau-Iraty ».

Pour autant, le respect de savoir-faire ancestraux n’empêche pas d’expérimenter. Dans le cadre de ses efforts de recherche et développement, la Maison Agour joue sur les différentes natures et traitements thermiques du lait (cru, thermisé, pasteurisé) pour créer de nouvelles recettes. Parmi ces dernières, Peio cite ses fromages au piment d’Espelette ou à la truffe.

Cahier des charges de l’AOP Ossau-Iraty

Concernant l’Ossau-Iraty, le cahier des charges de l’Appellation d’Origine Protégée impose le respect de la zone de collecte définie. Le lait doit aussi provenir d’une race spécifique de brebis. En outre, la transformation doit intervenir 48 heures au plus après la traite. Enfin, la recette d’élaboration du fromage doit être respectée, de même que les technologies de fabrication associées. À partir du moment où ces différents critères sont réunis, le fromage peut bénéficier de l’AOP Ossau-Iraty.

En revanche, nulle obligation d’utiliser des cuves en cuivre. « Concrètement, nous utilisons des cuves en inox. En revanche, nous avons une spécificité : tous nos fromages sont affinés sur des planches en bois. Nous nous sommes inspirés des techniques d’affinage de la Savoie, la Franche-Comté et la Suisse ». Dans les années 80, les autorités sanitaires considèrent pourtant le bois comme un contaminant potentiel pour les fromages. Cependant, les affineurs savoyards, franc-comtois et suisses parviennent à démontrer l’innocuité d’une telle méthode. Les moisissures auraient même un effet bactériologique positif !

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De plus, l’affinage sur planche en bois permet de travailler la texture des fromages, en garantissant des conditions hygrométriques parfaites. Le fromage obtenu en devient onctueux à souhait. Enfin, le bois constitue un substrat intéressant pour certains types de moisissures. Il contribue à la richesse et à la complexité aromatique des produits. « Bien entendu, nous aseptisons soigneusement nos planches d’affinage après chaque cycle », précise Peio. « Cependant, il existe un biofilm naturel qui se forme sur le bois. En conséquence, un certain type de flore finit par coloniser les croûtes de nos fromages, enrichissant du même coup le goût de ces derniers ».

Au-delà de l’Ossau-Iraty : depuis la pâtisserie…

Forte de son succès, la Maison Agour cherche à dupliquer son modèle économique à d’autres spécialités. Comme Peio le rappelle, « notre centre de recherches d’Iraty nous a permis d’innover dans le domaine des crèmes glacées à base de lait de brebis. Or, en mettant un pied dans l’univers des crèmes glacées, nous en sommes arrivés à la pâtisserie ».

C’est ainsi que la Maison Agour intègre un excellent pâtissier du Pays basque méridional, près de Saint-Sébastien. Ce dernier produit une gamme de biscuits secs, notamment les tuiles de Tolosa aux amandes, ainsi que des cigarillos. « Or, la tuile de Tolosa est aussi connue en Espagne que le nougat de Montélimar, chez nous. Ce rachat a donc grandement contribué à accroître la notoriété de la Maison Agour, notamment en Espagne. D’autant que nous en sommes les producteurs exclusifs ».

… jusqu’à la charcuterie

Par ailleurs, dans ses plans d’expansion, la Maison Agour joue sur les liens unissant productions fromagère et charcutière. En effet, le petit lait est un complément alimentaire très important pour le cochon. Si bien que toutes les grandes régions fromagères sont également de grandes régions charcutières. « Nous avons donc racheté un charcutier spécialisé dans le jambon de Bayonne, mais aussi la salaison sèche (filet mignon, coppa, lomo, saucisson, saucisse sèche). Nous produisons également de la charcuterie cuite (boudin, pâté, rôti, jambon cuit, etc.). » Toujours en poursuivant la même logique qualitative.

Peio Etxeleku (Maison Agour) veut rendre au Pays basque ce qu’il lui a donné. Photo : (c) Maison Agour. Vidéo : (c) LaTDI.

L’intégration de ces deux nouvelles entités au milieu des années 2010 permet donc la diversification de la production de la Maison Agour. Au-delà de l’Ossau-Iraty, l’entreprise de Peio s’illustre désormais dans toutes les familles de produits emblématiques de la gastronomie basque. Entre Ossau-Iraty, jambon de Bayonne et gâteau basque, la Maison Agour couvre désormais l’ensemble du spectre de ces spécialités culinaires appréciées dans le monde entier. Depuis l’Australie, jusqu’au Japon, en passant par le Canada et les États-Unis !

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