Alfonso Del Moral cérébral obscène

Alfonso Del Moral, une œuvre picturale à la fois cérébrale et obscène

Paradoxalement, c’est à partir de l’année 2020 et de sa succession de confinements que l’artiste peintre Alfonso Del Moral accélère. Avec la crise sanitaire, les habitudes de drague changent et cela lui offre un sujet de réflexion qu’il transpose en autant de portraits. Entre deux nus, Alfonso ne renonce pas, pour autant, à sa vocation parallèle de peintre paysagiste. Sa très belle exposition d’aquarelles consacrées aux magnifiques jardins du Palais de Viana, à Cordoue, vient d’ailleurs de s’achever. En 2023, Alfonso nous promet plusieurs projets aussi controversés qu’ils suscitent la réflexion. Laissons-le nous en parler…

Le maître d’Alfonso Del Moral, Pedro Cano, a toujours représenté des paysages, réalisant de nombreux croquis au cours de ses voyages. Il transmet cette sensibilité à son disciple, qui l’accompagne au cours de certains de ses déplacements en Europe. « Le voyage est un sujet essentiel chez les artistes. Chaque fois que je voyage, j’emporte toujours avec moi un carnet de croquis dans lequel je peins tout ce que je vois. En voyage, je réalise des aquarelles. Car elles se prêtent assez bien à un style de vie nomade ».

Alfonso Del Moral cérébral obscène
Alfonso Del Moral, Valentin, 2022, huile sur papier, 32.3 x 24.5 cm.

L’exposition d’Alfonso Del Moral au Palacio de Viana (Cordoue)

En 2017, Alfonso se trouve à Cordoue, au Palais de Viana. Alors qu’il est tranquillement installé, en train de représenter l’un des magnifiques jardins du Palais, il se rend compte qu’on l’observe. « Cela arrive souvent quand je peins en extérieur. Je n’y ai pas vraiment prêté attention ». Soudain, la personne s’approche et lui demande de lui montrer son carnet, rempli d’aquarelles représentant le jardin. « Je les lui ai montrées. L’inconnu s’est alors présenté comme étant le manager du Palais de Viana. Il m’a proposé de faire une expo sur place, ce que j’ai accepté, bien entendu ».

L’expo de Cordoue devait se tenir initialement en avril 2020. Évidemment, il a fallu la repousser jusqu’à fin 2022/début 2023. Néanmoins, Alfonso en tire un bilan positif. « Certaines de mes aquarelles mesurent deux mètres de haut, ce qui n’est pas un format très courant pour ce type de peintures. De plus, compte tenu de leurs dimensions, elles étaient vendues assez cher. Pourtant, l’une d’entre elles a trouvé acquéreur. De même que cinq ou six autres aquarelles plus petites ». Cela représente une véritable performance ! En effet, les visiteurs de l’expo étaient des touristes, pour la plupart. Or, aucun n’avait vraiment l’intention de s’embarrasser de cadres ou d’œuvres alors qu’il était en voyage.

Alfonso Del Moral cérébral obscène
Alfonso Del Moral, Garçon sur l’herbe, 2022, huile sur toile, 60 x 92 cm.

Yo somos : une réflexion sur la perte d’identité

Parmi les marchands d’art, Alfonso entretient depuis trois ans des relations régulières avec une galerie à Madrid : Arniches 26. « Mon projet Just Some Fantasies a été inauguré dans cette galerie ouverte en 2020 dans le cœur historique de Madrid, près du Rastro ». Sa dernière exposition d’envergure s’est également tenue dans ce lieu. Il s’agissait de Yo somos (Je sommes) en 2022.

Cette exposition était constituée de nombreux autoportraits d’Alfonso, ayant adopté différentes apparences grâce à l’appli ‘Face app’ : Alfonso en jeune femme, ou en un vieil homme, etc. « J’ai ainsi pu présenter 60 de mes avatars. Puis je les ai mixés entre eux pour créer un méga avatar de deux mètres sur deux. Je voulais parler de la perte d’identité du sujet contemporain : ni homme, ni femme, ni jeune, ni vieux ».

Le projet phare d’Alfonso Del Moral : Just Some Fantasies

Même si Alfonso refuse de réduire son art à sa seule dimension gay, cette thématique infuse néanmoins l’ensemble de son œuvre. Notamment son projet phare : Just Some Fantasies. Ce dernier naît alors que le peintre est en troisième année aux Beaux-Arts, en plein confinement. « Tout le monde restait connecté par le biais d’internet, et d’internet seulement. J’ai alors observé l’impact du confinement sur les habitudes de drague, qui elles aussi devaient désormais se faire à distance, par le biais d’un écran. J’ai donc eu l’idée d’évoquer le monde de la drague gay sur internet, à travers ce projet Just Some Fantasies/Le désir dans la multitude connectée. »

Pour ce projet, Alfonso n’hésite pas à peindre des scènes carrément pornographiques. Un de ses followers le remarque et lui envoie une photo sur laquelle il est avec son copain, en suggérant qu’Alfonso en fasse un tableau. « Toutes les ramifications de ce projet me sont alors apparues. J’ai posté la peinture de cette personne, qui elle-même avait 20.000 followers sur instagram. Elle a partagé cette peinture, si bien que de nombreuses autres personnes ont fini par m’envoyer leurs photos à leur tour ». Le peintre dispose à présent d’une réserve de plus d’un millier de clichés, ce dont il ne revient toujours pas !

À travers sa série de portraits pour Just Some Fantasies, Alfonso cherche à soulever le paradoxe de l’identité, y compris sur le plan sexuel. Pour ce faire, il adopte un style on ne peut plus traditionnel et académique. Cela contraste avec les sujets souvent obscènes, sexuels et explicites qu’il représente. Cette contradiction rend le projet très impactant sur le plan visuel. Si bien qu’il est amené à le présenter dans le cadre d’une exposition à Madrid. « Nous avions redécoré la galerie Arniches 26 tout en noir, à l’aide de grandes bâches en plastique de cette couleur. Cela ressemblait à une chambre obscure, une black room si vous voulez. Au niveau de la vitrine donnant sur la rue, nous avions figuré un glory hole permettant de jeter un œil à l’intérieur », se souvient Alfonso, non sans un sourire malicieux.

Just Some Fantasies : coming-out explosif ou projet inclusif ?

Pour Just Some Fantasies, Alfonso Del Moral ne cherche pas volontairement à représenter un seul type de personnes, de corps ou d’identité. Pourtant, le projet prend de lui-même un tour excessivement gay. Les hommes à l’aise avec leur identité masculine (les hommes cis), en particulier, s’approprient complètement le projet ! « Les personnes désireuses de se voir représentées ont généralement des physiques normatifs. Comme elles sont sûres de leur apparence, elles se montrent complaisamment. En revanche, il est très difficile de trouver des personnes avec des corps non-normatifs ».

Alfonso Del Moral nous décrit la relation intime se nouant entre un modèle de nu et l’artiste qui le peint. Photo : (c) Alfonso Del Moral, Autoportrait, 2020, huile sur papier, 27 x 21cm. Vidéo : (c) LaTDI.

Pour sortir de ce biais qui a fini par le gêner, Alfonso monte un autre projet avec son copain : un fanzine, Fantazine, parlant de l’identité sexuelle et du genre. « Nous réalisons des interviews de tout type de personnes. Pour le premier numéro, nous avons recueilli les propos d’un homme cis, gay, jeune, bien qu’affublé d’un corps échappant aux critères de beauté ‘traditionnels’. Nous avons également donné la parole à un homme gay, cis, bien qu’âgé ; puis à un homme trans ; puis à une femme cis bisexuelle, et ainsi de suite ». Le but consiste à ouvrir le projet à un large public.

À lire également : Alfonso Del Moral, peintre académique figuratif au parti pris audacieux.

En 2023 : Alfonso Del Moral à Urvanity (Madrid) et PAM!PAM!23 (Valence)

Le 8 février, Alfonso inaugure une exposition à Madrid dans un hôtel situé à côté du Palais royal, ‘The Social Hub Madrid’. À travers le mythe de Prométhée, l’exposition est une réflexion picturale sur la technologie et son usage par les hommes. Elle examine notamment la façon dont les progrès technologiques, lorsqu’ils ne sont pas accompagnés d’un progrès moral, aboutissent à des catastrophes. « Ainsi, après que Prométhée a volé le feu aux dieux pour le donner aux hommes, Pandore a ouvert sa fameuse boîte ».

À la fin de février 2023, la galerie Arniches 26 présente certaines des œuvres d’Alfonso au sein d’un salon très important à Madrid : « Urvanity ». Urvanity se veut le pendant figuratif d’Arco, évènement phare en matière d’art contemporain en Espagne (art abstrait, installations).

À Valence, Alfonso doit participer à l’exposition collective PAM!PAM!23 (dates indicatives : entre juin et septembre 2023) montrant le travail de dix artistes, tous choisis par un jury de l’académie des beaux-arts parmi les projets préparés par des étudiants du master de la Faculté des beaux-arts. « C’est l’évènement le plus important organisé à Valence parmi les artistes émergents ».

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Alfonso Del Moral cérébral obscène
Alfonso Del Moral, Golden shower, 2020, huile sur papier, 27 x 37cm.

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