Patiente Violaine VIM illustrations

« Patiente » de Violaine VIM : témoigner par le dessin du syndrome de Guillain-Barré

2019 est une année noire pour Violaine VIM. Atteinte du syndrome de Guillain-Barré provoquant la paralysie de tous ses muscles, elle se retrouve en réanimation, incapable ne serait-ce que de respirer toute seule. Petit à petit, son état finit pourtant par s’améliorer. Dans Patiente, Prix 2024 « Paroles de Patients » du Leem, elle documente chacune des étapes de sa convalescence, en s’exprimant par le dessin. Pour toucher le grand public et lui faire connaître la neuropathie qui a bouleversé sa vie.

Violaine VIM le reconnaît : la patience n’est pas son fort ! Cependant, un jour de 2019, elle se retrouve du jour au lendemain en réanimation, entièrement paralysée des pieds à la tête par le syndrome de Guillain-Barré. Elle a depuis retrouvé une partie de ses capacités motrices. Cependant, nous dit-elle, « aujourd’hui, je n’ai plus du tout le même rythme. Cette lenteur imposée par mon corps qui ne fonctionne plus comme avant m’a fait me tourner vers la contemplation ».

Très créative, elle utilise le dessin et l’illustration comme une échappatoire, « depuis toute petite ». C’est la raison qui la pousse à intégrer l’école Boulle à Paris, avant d’apprendre le design industriel à l’ESAAT de Roubaix. « J’ai donc toujours eu une forte appétence pour la création, le beau, le dessin. Encore aujourd’hui, le dessin m’aide au quotidien ».

Le superficiel comme bouée de sauvetage

Lorsqu’elle arrive au service de réanimation, Violaine VIM se retrouve rapidement intubée car, complètement paralysée, elle n’arrive plus à respirer toute seule. « Quand on se retrouve dans une telle situation, on est vêtue d’une simple chemise de nuit de patiente. Le corps nous échappe, on ne peut plus se raser, ni s’épiler, ni se coiffer, et encore moins se maquiller ».

Sur son lit d’hôpital, Violaine VIM surprend tout le monde en exprimant le besoin d’être maquillée, coiffée, et de se regarder dans le miroir. Sa mère ne comprend pas et il semble à Violaine qu’elle peut lire dans ses pensées. « Qu’est-ce qu’on s’en fout, quand on ne respire pas toute seule, d’être maquillée ! » L’illustratrice n’en a cure, pourtant. Car elle ressent le besoin viscéral de se raccrocher au soin donné à son apparence, même si cela paraît dérisoire et tellement superficiel en comparaison du drame qu’elle est en train de vivre !

Avec le recul, elle s’exclame : « ainsi, le superficiel m’a sauvée ! Il m’a permis de me rappeler que j’étais une femme. Pas seulement un corps asexué qu’on médicalise et qu’on soigne ».

En centre de rééducation, l’humour potache avec ses copains de galère !

Comme son état s’améliore, elle quitte l’hôpital et se retrouve en centre de rééducation. À mesure que la perspective de rentrer chez elle s’éloigne, elle se dit qu’elle ne tiendra jamais. « C’était un mouroir, avec des gens amputés de partout, c’était comme à l’hôpital ! »

Cette fois, ce qui la sauve, c’est le fait d’être entourée par des personnes ayant traversé des épreuves dans la vie : accidents de voiture, de moto, etc. « Avec ces mecs-là, j’ai mangé à la cantine tous les jours. Leur compagnie m’a fait réaliser que si la vie en centre de rééducation, ce n’était pas l’éclate tous les jours, au moins nous étions ensemble, et nous étions vivants ! Du coup, on s’est serré les coudes. D’un commun accord, on s’est dit qu’on n’allait pas pleurer ensemble mais qu’on allait plutôt se marrer. En faisant appel au second degré ».

Aujourd’hui encore, elle chérit leur amitié. « Ils sont restés mes copains de galère. Nous nous comprenons car nous sommes passés par des choses similaires. Le centre, ce n’était pas la colonie de vacances, loin de là ! Mais avec le recul, cela a représenté un moment très joyeux dans mon parcours. Beaucoup plus joyeux que je ne l’avais d’abord imaginé ».

Patiente : la maladie transfigurée par le dessin

Outre ces amitiés indéfectibles, Violaine VIM conserve de ses jours de galère toutes ses compositions plastiques : dessins, mais aussi peintures, etc. « Car il y avait des moments où le trait n’était plus suffisant. Il me fallait un autre médium pour exprimer le chaos dans lequel je me trouvais, tout en essayant de personnifier la maladie… pour mieux la combattre ».

Elle revient sur le dessin frappant de ses jambes couvertes de fourmis. « C’était une façon de faire comprendre à quelqu’un n’ayant jamais connu ce type de douleurs neuropathiques ce que cela faisait sur le corps ». En schématisant la maladie et en la simplifiant par le dessin, Violaine VIM cherche à sensibiliser son entourage, à commencer par son jeune fils. « Les dessins devaient donc être simples et parlants. Par la suite, quand il y a eu ce projet d’édition, j’avais le choix entre supprimer ces première esquisses marquant mon retour à la vie, ou les garder ! » Violaine VIM aurait ainsi pu faire de Patiente un livre plus uniforme et illustratif, dans la lignée d’un roman graphique.

Pourtant, en accord avec son éditeur Amphora, elle choisit de garder ses productions originales. « Je n’avais pas d’autre moyen de transmettre l’émotion brute. La douleur ressentie, l’horreur et l’angoisse dans lesquelles je me trouvais au début m’ont plongée dans un tel désarroi… Je ne pensais pas qu’il était possible de transmettre tout cela à travers de simples traits ou des images purement illustratives ». De plus, ces images font aussi partie de son histoire…

Patiente Violaine VIM illustration
(c) Violaine VIM, Patiente, éditions Amphora, 2024.

Le style écrit/parlé de Violaine VIM

Quant au texte accompagnant ses illustrations, Violaine VIM l’avoue sans fard : « j’écris comme ça vient ! » Pour elle, le texte est vraiment un prétexte à l’illustration. Elle écrit donc au fil de l’eau, sans aucune recherche stylistique.

Le ton de Patiente reflète celui qu’elle a dans la vie. L’autrice n’aime pas se prendre au sérieux, mais au contraire elle aime « rigoler de tout ». Avec parfois des notes d’humour noir. « La façon dont j’ai écrit le livre, c’est exactement la façon dont je parle. J’avais envie qu’on s’entretienne avec moi le temps de la lecture, soit deux heures au maximum. J’utilise un langage parlé pour raconter mon histoire. Comme si j’étais en face de vous et qu’on buvait un café ensemble ».

Patiente : un melting pot entre journal intime, roman graphique et autobiographie

Patiente ressemble ainsi à un journal intime, avec un format inhabituel. « On a du mal à ranger et à classer mon livre. Et c’est volontaire ! Je pense que ce livre est unique. Je n’ai pas envie qu’il soit rangé dans une case. Ce n’est pas un roman graphique, ce n’est pas une BD, ce n’est pas non plus juste un roman ou un livre autobiographique. C’est un peu un melting pot de tout cela. Et il me ressemble ! »

Pour Violaine VIM, il était important de jouer sur la typographie. « Parfois, j’alterne le langage narratif classique avec des paroles rapportées ou des exclamations ou des choses auxquelles je pense. J’avais donc envie que cela soit un joyeux bordel typographique avec plein d’exclamations ! Car j’adore le bazar et le pullulement des idées ! »

Patiente reçoit le Prix « Paroles de Patients » 2024

En 2024, Violaine VIM est très surprise d’être sélectionnée et plus encore de remporter le Prix « Paroles de Patients » décerné par le Leem, l’association des entreprises du médicament. Car la sélection d’œuvres short listées est de haut niveau : plusieurs écrivains connus sont même en lice pour remporter le prix ! Elle pense donc n’avoir aucune chance. « En effet, je ne suis pas écrivaine, mais une simple illustratrice autodidacte ». Pourtant, forte de cette sensibilité artistique, elle remporte le prix…

De cette expérience, elle retire une immense fierté ! Et songe à l’ironie du sort. « Il m’a fallu être handicapée pour gagner un prix ! Blague à part, cela valait donc la peine de coucher sur le papier toutes ces émotions difficiles à faire sortir, tout en se mettant à nu ». Après avoir reçu le prix, elle participe à des séances de dédicaces incroyables avec des échanges très forts. « Car à chaque fois, c’est un bonheur d’avoir les retours de mes lecteurs ! C’est quand même hyper stimulant ! Et ça donne envie d’une suite ! »

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« Ma vie est un film ! »

Aujourd’hui, Violaine VIM a envie d’autre chose, de sujets plus légers et moins en lien avec sa propre vie. Sauf si Patiente interpelle un réalisateur Netflix ! « Alors là, c’est autre chose ! Car je trouve que ma vie est assez cinégénique, finalement ! Cela pourrait faire l’objet d’une très bonne série… Tous les ingrédients sont là : une jeune maman qui, d’un coup, devient paralysée des pieds à la tête. J’espère qu’un jour un réalisateur se dira : ‘Patiente, mais cela ferait un très bon pitch de cinéma !’ »

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Lauréate du Prix « Paroles de Patients » 2024 décerné par le Leem (association des entreprises du médicament), l’illustratrice et autrice Violaine VIM évoque dans « Patiente » son syndrome de Guillain-Barré, neuropathie entraînant une grande faiblesse musculaire… Photo : (c) éditions Amphora ; Vidéo : (c) LaTDI ; Musique : (c) ES_Something’s Changing – Mizlo.

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