Bienvenue au Wokistan : comprendre la pensée woke

Bienvenue au Wokistan : le livre pour mieux comprendre la pensée woke

L’avant-propos du livre Bienvenue au Wokistan , à paraître chez Binge Audio éditions le 11 octobre, annonce d’emblée la couleur, soulignant l’importance « de ne pas abandonner le mot woke aux conservateurs de tous poils ». Ce qui a poussé David Carzon et son collectif d’auteurices à nous emmener en balade au Wokistan. Par leurs questions provocantes et leurs textes incisifs, ces derniers(ères) s’emploient à réveiller notre conscience politique et à mettre à jour notre vision du monde.

Bonjour David, pourriez-vous nous rappeler les étapes de votre parcours ?

Après un diplôme de l’école de journalisme de Tours et des débuts formateurs dans la presse quotidienne régionale, j’ai participé au lancement de 20 minutes en France en 2002. J’ai été successivement rédacteur-en-chef à Grazia, Arte.tv et Télérama, puis directeur-adjoint de la rédaction au quotidien Libération jusqu’en 2017. Ensuite, j’ai rejoint Joël Ronez et Gabrielle Boeri-Charles pour lancer l’aventure Binge Audio.

Le wokisme, c’est quoi ?

Cette question mériterait une thèse ! Je souhaite apporter une une précision pour éviter tout malentendu. Notre ouvrage collectif, Bienvenue au Wokistan, ne se veut pas une défense de qu’on appelle le wokisme. Car nous nous gardons bien de toute posture définitive. Notre envie, c’est de nous réapproprier ce terme utilisé à tort et à travers pour lui redonner un sens commun. Pour certains, les emmener en balade au Wokistan reviendrait à les traîner en enfer !

Nous, ce que nous disons, c’est que ce Wokistan est l’endroit où se produit la pensée la plus intéressante aujourd’hui. La plus dérangeante aussi… C’est parce qu’elle n’hésite pas à remettre en question l’ordre établi et à nous ouvrir les yeux sur ce qui nous entoure.

C’est d’ailleurs le sens premier du mot woke. Il nous vient du verbe anglais ‘to be awake’ (être éveillé). Le mouvement est né dans l’Amérique afro-américaine des années 60, dans le cadre de la lutte pour les droits civiques, avant de s’étendre au monde entier.

Il englobe toute une série d’idées et de concepts autour de la culture du viol, le privilège blanc, la volonté de se déconstruire, etc. Prônant une sensibilité accrue aux discriminations de toutes natures, il ne concerne donc pas le seul mouvement anti-raciste.

En outre, il inspire et questionne toutes celles et tous ceux qui veulent bien ouvrir regarder en face toutes les discriminations, chercher à les déconstruire, y compris en eux-mêmes. Puis il inspire d’autres personnes à accomplir le même chemin. En cela, loin du communautarisme qu’on lui reproche aujourd’hui, ce mouvement incite à aller vers l’autre, vers les autres en opposition à bon nombre d’idéologies conservatrices qui valorisent le repli sur soi.

Le mouvement woke provoque la furie des mouvements conservateurs… pourquoi ?

Tout simplement parce qu’il incite à remettre en cause l’ordre établi, à bouleverser les hiérarchies, à redonner la parole aux plus faibles, en leur donnant plus de pouvoir (‘empowerment’) aussi. On peut comprendre que pour certains, cela soit intolérable !

David Carzon et la pensée woke (c) Binge Audio éditions
David Carzon (c) Binge Audio éditions

Votre livre veut en finir avec nombre de clichés à propos de la pensée woke…

Encore une fois, nous n’avons pas la prétention de penser que nous détenons la vérité et que nous avons des réponses définitives à toutes les questions que nous posons. Ces questions, ce sont les auditeurices de Binge Audio qui nous les ont posées. Nous les avons trouvées tellement pertinentes que nous avons décidé de chercher la meilleure personne pour y apporter une réponse.

Dès le départ, nous avons convenu que nous ne leur demanderions pas de réponse définitive mais leur réponse propre, leur point de vue, leurs convictions ainsi que leurs doutes. Non pas dans l’optique de les imposer mais tout simplement pour les partager. Ce qu’on adore nous, c’est quand, à la fin d’un podcast ou après la lecture d’un texte, on se dit : « ah oui, je n’ai jamais vu les choses comme ça ».

Comment avez-vous sélectionné la trentaine de contributeurs ayant participé à cet ouvrage collectif ?

Il s’agit de journalistes, d’auteurices, d’intellectuel·les proches de Binge Audio, avec lequel·les nous travaillons déjà régulièrement. Mais aussi des personnalités dont nous avons estimé qu’elles pourraient avoir des réponses très intéressantes à nos questions. Elles ont toutes accepté avec enthousiasme et elles ont cherché à produire les meilleurs textes possibles.

Parmi les thèmes abordés, figurent : le féminisme, les thématiques LGBT, le racisme, les inégalités sociales…

Les textes que nous publions se complètent. Ils se parlent, se questionnent… Cet ouvrage peut servir à chaque instant pour mieux comprendre les enjeux du moment. Ce que toutes et tous nous disent, c’est de cultiver à la fois la curiosité, la bienveillance et la radicalité.

Le wokisme a-t-il pris la suite du marxisme ? Quels liens entretient-il avec les idéologies contestataires du passé ?

Cette comparaison entre wokisme et marxisme est souvent avancée aujourd’hui, souvent à tort et à travers car il s’agit pour certains de faire peur en agitant l’épouvantail marxiste.

Ce qui les rapproche avant tout, c’est qu’ils portent en eux une critique du monde capitaliste. Et si on peut trouver l’inspiration du wokisme dans bien des mouvements contestataires (antiracistes, féministes, écologiques…), son approche est novatrice car elle nous propose de changer de logiciel de réflexion.

L’écologie n’est évoquée qu’une fois, par le biais de l’urgence climatique.

L’écologie et la pensée woke doivent aller dans le même sens. Elles participent de la même démarche de remise en cause globale. Et bien des questions écologiques sont traitées en creux dans d’autres textes.

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La pensée woke est-elle radicale ?

Comment voulez-vous bouleverser l’ordre établi sans faire de vagues ? Encore une fois, il ne s’agit de donner des mauvais ou des bons points. Mais de partir du constat que bien des choses ne tournent pas rond dans notre monde. Pour commencer à changer tout cela, il nous faut d’abord changer de perspectives. Il faut les appréhender différemment.

Bien entendu, il serait plus facile de ne rien faire. Les héritiers de nouveaux philosophes et les tenants de l’universalisme sont les premiers à critiquer ces évolutions de la pensée. Mais il faut voir ce qu’ils sont eux-mêmes devenus et réaliser qu’ils nous laissent un monde en piteux état pour bien réaliser l’héritage empoisonné qu’ils nous offrent.

Et ceux qui ne veulent pas que ça change sont bien plus violents que les autres. En France, il suffit de rappeler que c’est l’extrême droite qui tue. Hier, aujourd’hui, et à coup sûr demain.

Couverture Bienvenue au Wokistan (c) Binge Audio éditions
(c) Binge Audio éditions, octobre 2022.
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