Willène PILATE, artiste animaliste engagée, expose « Personnes Animales », un projet sensible et radical. À travers des portraits peints d’animaux dits « d’exploitation », elle interroge notre rapport aux autres espèces. Son exposition, récemment présentée dans différents lieux à Paris, dont la mairie du 18e arrondissement, s’accompagne de lectures, conférences et autres ateliers militants. Son objectif : éveiller les consciences par l’émotion, la réflexion et l’expérience esthétique.
Par Hélène HUDRY.
Et si une peinture pouvait renverser vos certitudes ? C’est le pari de Willène PILATE avec « Personnes Animales ». Son travail artistique, au croisement de la sensibilité et du militantisme, donne à voir des visages trop souvent effacés : ceux des animaux que notre société consomme sans la moindre considération. En mêlant engagement politique, démarche pédagogique et puissance émotionnelle, elle veut provoquer notre prise de conscience.
Willène PILATE : une trajectoire hors des sentiers battus
Issue d’un milieu où ni l’art ni l’animalisme n’ont leur place (son père est boucher), Willène PILATE grandit dans une famille indifférente à la cause animale. Elle parle d’un « parcours de combattante » au cours duquel elle fait émerger progressivement son engagement politique tout comme sa pratique artistique. Finalement, « ces deux chemins, l’art et l’animalisme, se sont nourris l’un l’autre ».
Aujourd’hui, Willène PILATE se présente comme une artiste animaliste. Elle milite depuis plus de dix ans et préside aujourd’hui la Veggie Pride. Par ailleurs, elle anime Sororité – La Podcast, centrée sur les luttes féministes. Sans oublier qu’elle fait également partie de l’association animaliste « Futur ». Pour elle, sa production artistique se situe dans le prolongement direct de son militantisme. Il lui permet de toucher les gens autrement, par le sensible, l’intime, ou encore l’imaginaire. Comme elle l’explique : « pour moi, l’art engagé est une des clés du changement de la société ».
Les « invisibles » deviennent des sujets à part entière
L’exposition « Personnes Animales » est à l’image de sa créatrice : radicale, profondément sensible, politiquement assertive. Chaque œuvre représente un animal dit d’exploitation ou nuisible — cochon, poule, vache, pigeon ou rat — dans une posture digne, frontale, quasi-spirituelle. Il faut dire que Willène PILATE s’inspire de portraits religieux et de l’iconographie des saints. Elle en profite pour sacraliser la représentation des animaux.
Elle montre ainsi que chaque animal constitue un individu et une personne à part entière. Ce « sont des personnes sentientes, capables d’avoir une vie subjective. Tout comme nous, ils sont sujets de leur propre vie. Comment ne pas imaginer qu’ils éprouvent des émotions complexes, de la douleur ou du plaisir ? »
Ce faisant, Willène PILATE dénonce le spécisme, cette hiérarchie entre les espèces plaçant l’humain au sommet et ravalant le reste au rang de « simples » ressources. « Les antispécistes, dont je fais partie, combattent cette idée de hiérarchie entre les espèces. Au contraire, ils défendent l’idée selon laquelle toute espèce ayant un intérêt à vivre devrait pouvoir disposer de sa vie. Elle devrait par conséquent pouvoir vivre une vie en accord avec son bien-être, une vie ‘bonne’ ».
Dans son travail, Willène PILATE s’éloigne volontairement des représentations animalières classiques, majoritairement spécistes, qui masquent les réalités de l’exploitation. En lieu et place, elle propose de révéler l’individualité des sujets qu’elle représente. Et elle précise : « j’avais envie de les rendre sacrés, d’attirer l’attention sur le fait qu’ils ne sont pas des produits, qu’ils ne sont pas des objets. »

Exposer notre dissonance cognitive
Chaque tableau est accompagné d’un texte court. Ces mots prolongent le regard. Ils rappellent que ce que l’on voit n’est pas seulement une œuvre d’art, mais un fragment de vie. Ce texte raconte la vie de l’animal, « sa vie de produit qui ressent, un produit qui ne devrait pas en être un ».
Cette association entre image et texte donne une profondeur inattendue à l’exposition. Elle ne se contente pas de susciter une émotion esthétique : elle engage, instruit, et finalement éveille. Pour Willène PILATE, « l’art doit jouer le rôle de miroir de la société. Ce miroir ne renvoie pas toujours un reflet plaisant de nous-mêmes. Ce qu’il révèle au contraire, c’est notre dissonance cognitive ».
Le choix des animaux représentés repose à la fois sur des affinités personnelles, mais aussi sur une volonté politique de visibiliser les espèces les plus méprisées. Ainsi, l’œuvre « Guérine », portrait d’une poule pondeuse, évoque la vie de ces oiseaux dont on ne retient que les œufs, la chair. Mais jamais l’identité. « Or, chaque poule, chaque poulet, est une personne. »
La médiation au cœur des « Personnes Animales »
L’exposition « Personnes Animales » s’accompagne de lectures, de conférences et d’ateliers. Car Willène PILATE souhaite que l’exposition suscite chez le public de nouvelles pistes de réflexion sur la cause animale. Lors d’une présentation à la mairie du 18ᵉ arrondissement de Paris, elle se souvient avoir lu un texte sur Diabolo, l’animal de son enfance, le décrivant tel qu’il était, avec sa personnalité propre. Au détour d’une phrase, elle évoque les épreuves qu’ils ont traversées ensemble. « Mon père était une personne extrêmement violente », nous dit-elle. « Il nous battait tour à tour, Diabolo et moi… »
Elle ajoute que de nombreuses personnes se reconnaissent à travers ses récits. « Toutes ces expériences partagées, tous ces récits que l’on partage donnent une ampleur incroyable à l’exposition. Les sujets représentés ne sont plus simplement des images. Ils ont désormais une histoire, une vie, et des sentiments aussi ».

Willène PILATE : une veine d’inspiration multimédia et radicale !
Comme le note Willène PILATE, « nous, les animalistes, essayons d’occuper le terrain, par le théâtre, la bande dessinée, etc. Et c’est la clé : démultiplions les manières de parler des animaux, de les montrer, de les dessiner ou de les filmer. »
Elle expérimente actuellement la peinture sur cartons récupérés dans les rayons des supermarchés. Tels des linceuls, ces cartons servent à transporter les corps des animaux. « C’est une façon d’ajouter une dimension supplémentaire à mon art, en lui donnant une couche de réalité brute ».
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Un jour, nous verrons l’éclosion d’une religion animaliste…
Elle rêve aussi d’une grande exposition consacrée aux animaux liminaires, rats, pigeons, renards, ces êtres qui partagent nos vies urbaines. « Cela me tient à cœur car je voudrais faire en sorte que les futurs projets d’urbanisme tiennent compte de toutes ces petites personnes vivant avec nous ».
Son actualité est déjà dense. Elle exposera en novembre 2025 à la galerie Wawi à Paris. Elle partira aussi au Danemark dans le cadre d’une conférence internationale sur les animaux. Et elle poursuivra sa collaboration artistique avec la comédienne Typhaine D, autour du spectacle Devenir végane par amoure.
Quand on lui demande quel est son rêve ultime, elle rit, avant de répondre sans détour. « Créer une religion animaliste, dans laquelle l’animal serait au cœur des préoccupations, des écrits, de l’iconographie, de tout l’imaginaire en somme ». Car au fond, Willène PILATE rappelle que « nous sommes tous des animaux, et nous voulons tous vivre une vie ‘bonne’. »
Plus d’informations sur le site de Willène PILATE.
Vous pouvez également consulter l’Instagram, le Facebook et le profil LinkedIn de Willène PILATE.
Dans « Personnes Animales », Willène PILATE affirme haut et fort que les animaux ont eux aussi une personnalité. Chaque portrait qu’elle montre devient un manifeste pour un monde plus empathique, plus juste. Oser poser un nouveau regard sur les espèces « autres » que la nôtre. Portrait de Willène Pilate : (c) Diane PLESSIER de Fairshot (@fairshot.photo). Vidéo : (c) LaTDI. Musique : (c) ES_Release the Pets – Stationary Sign.